prédication Matthieu 13, 24 – 32

semer la zizanie ... ou la confiance

prédication Matthieu 13, 24 - 32

lecture biblique

Matthieu 13, 24 Jésus leur raconta une autre parabole : « Le royaume des cieux ressemble à quelqu’un qui avait semé de la bonne semence dans son champ. 25Une nuit, pendant que tout le monde dormait, son ennemi vint semer de la mauvaise herbe parmi le blé et s’en alla. 26Lorsque l’herbe poussa et que les épis se formèrent, la mauvaise herbe apparut aussi. 27Les serviteurs du maître de maison vinrent lui dire : “Maître, n’as-tu pas semé de la bonne semence dans ton champ ? d’où vient donc cette mauvaise herbe ?” 28Il leur répondit : “C’est un ennemi qui a fait cela.” Les serviteurs lui demandèrent : “Veux-tu que nous allions enlever la mauvaise herbe ?” – 29“Non, répondit-il, car en l’enlevant vous risqueriez d’arracher aussi le blé. 30Laissez-les pousser ensemble jusqu’à la moisson et, à ce moment-là, je dirai aux moissonneurs : Enlevez d’abord la mauvaise herbe et liez-la en bottes pour la brûler, puis vous rentrerez le blé dans mon grenier.” »

31Jésus leur raconta une autre parabole : « Le royaume des cieux est comme une graine de moutarde qu’on prend et qu’on sème dans son champ. 32C’est la plus petite de toutes les graines ; mais quand elle a poussé, c’est la plus grande de toutes les plantes du jardin : elle devient un arbre, de sorte que les oiseaux viennent faire leurs nids dans ses branches. »

 

 

 

I La Zizanie

c’est le titre d’un film avec Louis Funès (1978) ,

mais c’est aussi le titre d’un album d’Astérix et Obélix (1970) .

Deux grands classiques de la culture française.

Les deux se servent de la même expression : « semer la zizanie » ;

les deux analysent comment dans une relation, par exemple la vie de couple et son entourage, le désaccord peut prendre le dessus (le film), ou alors, plus fine, dans Astérix, comment on peut se servir de la zizanie, la provoquer volontairement, à son propre avantage. Diviser, pour mieux régner.

Voici le résumé de présentation de l’album d’Astérix:

« Dans les couloirs du Sénat, à Rome, on commence à gloser sur l’impuissance de l’Empereur face aux Irréductibles Gaulois. César doit rapidement soumettre ces odieux dissidents qui le narguent. Il envoie alors au Village Tullius Detritus, immonde personnage qui sème la zizanie partout où il passe. Sa mission : briser la belle union des rebelles gaulois, semer la discorde dans leurs rangs.

Bientôt, tout le village est sens dessus dessous et la rumeur court qu’Astérix aurait vendu le secret de la potion magique aux Romains ! Les Gaulois s’entredéchirent, les poissons d’Ordralfabétix volent dans tous les sens, la « guerre psychologique » fait rage. Est-ce la fin du Village ? »

Bien sûr que non. Les gallois résistent, mais pas sans blessures.

 

II  Mais pourquoi est-ce que je vous raconte tout cela ?

Car l’expression de zizanie montre que nous parlons parfois en langage biblique sans nous en rendre compte.

Le mot français zizanie vient du mot grecque « zizane » dont il est question dans le passage de l’évangile de Matthieu d’aujourd’hui. Ce mot désigne les mauvaises herbes, souvent traduit par « ivraie » pour donner un exemple d’une herbe nocive.

Dans la parabole, il y a d’abord cet homme qui sort pour semer de la bonne semence. Là aussi, un mot en grec qu’on connaît bien dans notre langue. Le mot semence vient du grec « sperme ». C’est tout petit, mais plein de vie. L’homme était sorti pour donner la vie, pour féconder le terrain, pour permettre que des choses poussent et se développent.

Et derrière lui, en plein nuit, derrière son dos, quelqu’un d’autre sème la zizanie, sème une graine qui ressemble tellement à la première et pourtant, avec le temps, cela se révèle complètement nocif. Cette mauvaise herbe pousse en même temps que le blé par exemple, mais à la fin l’ivraie prend le dessus et étouffe les autres plantes, empêche la vie, empêche la fertilité.

Si on récolte les deux, en même temps, le blé et l’ivraie, en se disant : « pas grave , il y a des graines sur les deux »…on sera vite déçu.

La présence d’ivraie, mélangée aux céréales, puis dans la farine, gêne la levée de la pâte et donne un pain à saveur âcre et à couleur grisâtre. Pour certaines espèces, par exemple les chevaux, manger de l’ivraie s’avère toxique.

(pour l’espèce humaine, sa consommation est aussi connue pour son côté hallucinatoire, comme pour certains champignons. L’ivraie rend « ivre ».)

Nous avons donc dans cette parabole deux forces opposées :

Sperme, vie, espérance, d’un côté.

zizanie, Ivraie, menace, perte de maîtrise, mort de l’autre.

D’où le dicton qui dit que nous avons intérêt à « séparer le bon grain de l’ivraie ».

 

III   Comment traduire la parabole ?

Jésus parle en parabole, parle de la vie en se servant des exemples de l’agriculture. A son époque, autour de lui, tout le monde connaissait le phénomène de champs empestés par des mauvaises herbes. Quelle galère !

Aujourd’hui et dans notre contexte cela passe moins bien. Le scénario écrit par René Goscinny pour Astérix et Obélix est pour moi une belle adaptation et interprétation pour notre époque. Un regard sur la tentation humaine de se laisser diviser, dès cette première rencontre au jardin Eden, où le diviseur est arrivé et a semé méfiance et désobéissance entre l’être humain et son créateur, jusqu’à nos jours.

La parabole nous révèle un dilemme humain qui est toujours d’actualité :

  • Nous faisons le mal que nous ne voulons pas faire, et nous avons du mal à faire le bien que nous attendons tant.
  • Nous œuvrons en pensant bien faire, et à la fin cela se termine mal sans que nous ne sachions trop comment nous en sommes arrivés là. 
    • la vie de couple était bien partie et puis cela se déchire 
    • la start-up avait commencé pleine d’enthousiasme et puis explose 
    • un groupe de bénévoles bosse ensemble depuis des années et puis se voit malmené par des désaccords 

etc

C’est tellement pas ce que nous avons voulu à la base, qu’on se demande s’il n’y a pas un tiers qui serait venu mettre le désaccord.

Qui est venu la nuit et a mis de la mauvaise herbe, de la zizanie ?

Quel ennemi a pu nous faire cela ?

Face à un champ de notre vie envahie par ce type d’ivraie, d’ennuis, de malentendus et de désaccords, nous nous retrouvons bien dans cette prière que Jésus enseigne : « mais  délivre nous du mal … »  Enlève-nous cette mauvaise herbe qui nous pourrit la vie.

 

IV  Mais que conclut la parabole au sujet de pouvoir s’en séparer ? 

Les serviteurs lui demandèrent : “Veux-tu que nous allions enlever la mauvaise herbe ?” – 29 “Non, répondit-il, car en l’enlevant vous risqueriez d’arracher aussi le blé. 30Laissez-les pousser ensemble jusqu’à la moisson

Sagesse du maître : Nous ne serons jamais capables de séparer le bon grain de l’ivraie.

Dans ce que nous faisons,

dans nos relations,

dans nos projets,

on ne voit qu’après coup ce qui porte fruit, et ce qui est nocif.

Avec un regard en arrière nous pouvons probablement mieux voir :

« Ah, les problèmes ont commencé là ou là ou là …

mais nous ne l’avons pas vu, dans le feu de l’action.

 

V  Conclusion :

Je lis ici un appel à la confiance, à semer malgré toute menace possible.

Comme dans l’autre parabole où le semeur sort et sème sans se soucier des oiseaux qui viendront piquer les graines, ou alors les ronces qui vont étouffer les jeunes plantes… à la fin il y a aura tout même une récolte abondante.

De même, nous ne pouvons guère éviter qu’il y ait de l’ivraie qui se glisse dans nos champs.

Mais nous pouvons en être conscients , avertis, tenir bon, et à la fin, séparer les deux.

Nous pouvons faire le bilan de la vie devant Dieu, en confiance, y mettre ce qui n’a pas réussi pour qu’il le brûle, efface, nous aide à le laisser derrière nous.

Et mettre dans nos granges ce qui nous nourrit et ce qui nous porte dans la vie.

Je lis ici un encouragement : Oui, la mauvaise herbe peut pousser et au début c’est difficile à détecter, mais il y a aussi ces miracles possibles comme avec la graine de moutarde. Au début, elle ressemble à n’importe quelle autre graine, elle est même est encore plus petite que les autres, mais elle peut se développer et abriter et nous porter.

Les deux paraboles se suivent et nous mettent devant le choix de voir le verre à moitié plein ou à moitié vide, ou alors pour rester dans l’image de la parabole : de voir le champ envahi par le parasite ou alors de voir ce qui pousse et ce qui nous nourrit.

Choisis la vie !  nous encouragent nos ancêtres dans la foi.

Ose ! Ose sortir et semer, agir, vivre, entamer des projets, s’engager dans des relations, malgré toutes les menaces.  Ne te retiens pas. Ce n’est pas parce que tu as fait une mauvaise expérience qu’il ne faut plus tenter d’en vivre d’autres.

Et ce qui se s’avère nocif et mauvais, le temps venu,

Cela se saura et il sera grand temps de s’en séparer et ne pas se laisser affecter.

Et il sera temps de savourer ce qui a porté fruit dans la vie sans le mauvais goût de l’ivraie, de l’échec, de la déception ou des blessures.

Chers amis, nous portons dans nos mains, des graines pleines de vies, à nous de les semer autour de nous. A Dieu de nous venir en aide, pour que cela porte fruit, et pour nous séparer de ce qui veut détruire, le temps venu.

Ne dis pas « je n’ai pas grande chose à semer », car peut-être que ce que tu as à portée de mains, c’est comme cette plus petite de toutes les graines ; mais quand elle a poussé, c’est la plus grande de toutes les plantes du jardin : elle devient un arbre, de sorte que les oiseaux viennent faire leurs nids dans ses branches. »  Amen

 

Christina WEINHOLD  

Église Protestante Unie Levallois – Clichy 

juillet 2023

 

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