Christina Weinhold
Prédication 25 décembre 2024 : Il est né le divin enfant …
On peut prendre Noël par des approches différentes.
Il y le côté récit , l’approche narrative : l’histoire d’une naissance.
Les deux grands narrateurs sont Luc et Matthieu.
Luc place la naissance dans un contexte mondial. L’empereur Auguste veut recenser tous les habitants de son empire et parmi eux, Marie et Joseph qui se mettent en route vers leur lieu de recensement : Bethlehem. C’est ici qu’ils mettent au monde leur premier né, Jésus. Entourés des anges et des bergers.
Le point point culminant de l’histoire d’après Luc c’est que Dieu écrit l’histoire et non l’empereur ou d’autres personnes au pouvoir.
Matthieu raconte la naissance de Jésus en faisant le lien avec les messages du premier testament. Comme annoncé chez le prophète Esaïe, des étrangers viennent de loin pour adorer le même Dieu, en apportant de l’or et de l’encense (Es 60, 6). Et un autre parallèle : tel que Moïse a faillit mourir sous la persécution de pharaon , mais fut sauvé miraculeusement, tel Jésus échappera à l’orgueil et violence du roi Hérode (Exode 1 et 2) . Un message pour dire d’une autre façon qu’en Jésus Dieu est au centre du destin mondial et que Dieu fera avancer son projet salutaire contre toutes les résistances humaines.
Et puis on peut prendre Noël par une approche plus théologique, en allant droit au but avec des grandes questions de la foi, tel que le proposent Jean et Paul.
Ce qui les intéresse, loin des détails sur les comment et les décors de la naissance de Jésus, c’est la question : Mais qui est Jésus ? Quel lien avec Dieu ? Sa nature est-elle humaine ou divine ou alors les deux ? ou alors comme dit Jean : 1, 18 Personne n’a jamais vu Dieu. Mais le Fils unique, qui est Dieu et qui vit dans l’intimité du Père, lui seul l’a fait connaître. … donc en JC Dieu se révèle sans que cela touche forcément à la nature de Jésus. ..ou si ? 2000 ans qu’on discute sur cette question.
Et puis il y a des cantiques de Noël qui reprennent tout cela, les deux, les narrations et les questions de la foi à leur façon.
Je vous propose de retrouver le message des évangiles sous le prisme d’un cantique que vous connaissez bien:
32/29 Il est né le divin enfant
Vous pouvez ouvrir le cantique et on le chantera à la fin ensemble. On va juste entendre la musique pendant que vous ouvrez les recueils à la page P. 382.
Cette chanson française de Noël date du tout début 19ème siècle. Elle apparaît pour la première fois dans un recueil de cantiques à Montpellier mais semble avoir ses origines en Lorraine.
Chose curieuse : La mélodie de base est un air de chasse français du xviie siècle. Un lien avec le texte ? Probablement non.
Mais le refrain répète sans cesse :
Il est né le divin enfant
Jouez hautbois, résonnez musettes
Il est né le divin enfant
Chantons tous son avènement
Cet enfant est divin.
Divin comment ? Ce sont les strophes qui vont le dévoiler davantage.
Ce qu’il compte c’est de l’accueillir comme il se doit.
Chanter et jouer de la cornemuse et autres instruments de l’époque, comme si on était à la fête à la cour royale.
L’attitude doit être joyeuse et respectueuse à la fois.
C’est festif et pour autant signe de soumission à cet être qui nous dépasse et dont nous devons tant.
Depuis plus de quatre mille ans
Nous le promettaient les prophètes
Depuis plus de quatre mille ans
Nous attendions cet heureux temps
Comme Matthieu, le cantique met l’accent sur le lien entre l’arrivée de Jésus et les promesses et perspectives du premier Testament. Les prophètes, Essaie surtout, mais aussi d’autres avaient bien annoncé l’arrivée d’un personnage qui allait sauver le monde et apporter la paix, au nom de Dieu, et grâce à Dieu.
« Un serviteur » dit Isaïe, ou alors « le prince de Paix ».
D’autres disent : « le Messie »
Peu importe le titre, l’idée reste le même : le projet de Dieu est la paix entre les vivants de la terre :
Es 11, 1Un rameau sort du vieux tronc de Jessé, une nouvelle pousse sort de ses racines. 2L’Esprit du Seigneur est sans cesse avec lui, l’Esprit qui donne la sagesse et le discernement, l’aptitude à décider et la vaillance, l’Esprit qui fait connaître le Seigneur et enseigne à l’honorer. 3Il lui inspirera d’honorer le Seigneur. Il ne jugera pas selon les apparences, il ne décidera rien d’après des racontars. 4Mais il rendra justice aux défavorisés, il sera juste pour les pauvres du pays. Sa parole, comme un bâton, frappera le pays, sa sentence fera mourir le méchant. 5La justice et la fidélité seront pour lui comme deux ceintures qu’on porte toujours autour des reins. 6Alors le loup séjournera avec l’agneau, la panthère se couchera près du chevreau. Le veau et le lionceau se nourriront ensemble et un petit garçon les conduira. 7La vache et l’ourse se lieront d’amitié, leurs petits seront couchés côte à côte. Le lion, comme le bœuf, mangera du fourrage. 8Le nourrisson jouera sur le nid du serpent, et le petit garçon pourra mettre la main dans la cachette de la vipère. 9
Le cantique met donc en perspective qu’en Jésus né à Bethléem cette promesse devient un peu plus vraie et réelle.
Une étable est son logement
Un peu de paille est sa couchette
Une étable est son logement
Pour un Dieu quel abaissement
Ici le cantique reprend le scénario de Luc : Marie qui met l’enfant dans une mangeoire.
Ce qui est devenu dans l’imagination européenne qui ne connaissait guère les Karawanserei du moyen orient, l’idée d’une naissance dans un étable, symbole d’une humanité précaire et fragile.
Peut être que l’auteur du cantique était aussi inspiré par la lettre aux Philippiens :
6 Il possédait depuis toujours la condition divine,
mais il n’a pas voulu demeurer à l’égal de Dieu.
7Au contraire, il a de lui-même renoncé à tout ce qu’il avait
et il a pris la condition de serviteur.
Il est devenu un être humain parmi les êtres humains,
il a été reconnu comme un homme ;
8il a accepté d’être humilié et il s’est montré obéissant
jusqu’à la mort, la mort sur une croix.
Paul fait de cet abaissement le centre de sa foi : Il voit en Jésus un Dieu qui se penche vers les humains, un Dieu qui accepte misère et limites pour être proches des vivants,
Un mouvement du haut vers le bas pour lever vers le haut ceux qui sont en bas.
On comprend maintenant encore mieux la joie de cette arrivée : enfin un prince qui se soucie de faire sortir les sujets de leur misère !
* Partez ô rois de l’orient
Venez vous unir à nos fêtes
Partez ô rois de l’orient
Venez adorer cet enfant
Les rois de Matthieu arrivent aussi ici, dans notre cantique.
C’est une chose que le peuple lambda se réjouit qu’un puissant vienne en aide.
C’est encore autre chose de voir que d’autres puissants du monde se soumettent à leur tour au roi qui vient de naître.
Si les rois du monde se mettent d’accord entre eux, ce sont des prémisses d’un apaisement possible.
Signe d’un avenir en paix.
* Ô Jésus, ô Roi tout puissant
Tout petit enfant que vous êtes
Ô Jésus, ô Roi tout puissant
Régnez sur nous entièrement
- pas ainsi dans Alléuia
Dans Alléluia la dernière strophe est :
Il veut nos cœurs, il les attend :
Il vient en faire la conquête,
Il veut nos cœurs, il les attend :
Qu’ils soient à lui, dès ce moment !
Le cantique cumule dans ce constat tout à fait personnel et existentiel :
Quoiqu’on dise par rapport à Jésus,
Que disent Luc, Matthieu, Paul, Jean, les prophètes, …
Ce qui compte à la fin c’est la question :
Veux-tu et peux-tu l’accueillir dans ta vie ?
Qui est-il pour toi ?
Sens tu qu’à travers l’histoire c’est l’histoire avec chacun et chacune d’entre nous qui est la seule chose qui compte.
Et chacune de nos histoires est autre.
Pour l’un d’entre nous c’est Dieu lui-même qui vient proche de nous.
Pour l’autre Jésus est juste un savant, un bon enseignant.
Pour d’autres il est celui qui prêche la paix et qui œuvre pour.
Etc
Mais qui est il pour toi ?
Il veut nos cœurs, il les attend :
Il vient en faire la conquête,
Il veut nos cœurs, il les attend :
Qu’ils soient à lui, dès ce moment !
La naissance ne se fait ni dans l’étable, dans une maison ou dans une grotte mais au fond de nous … et j’espère que cette arrivée vous rendra joyeux.
Pour citer une prière de Guy Gilbert (dans “Prières glanées”)
Si l’enfant-Dieu ne naît pas en toi, alors gueuletonne, bois jusqu’à plus soif. Noël ne sera qu’une fête conviviale dont tu auras manqué le mystère.
S’il ne naît pas encore en toi… au cours d’une retraite, d’un temps de silence, d’un événement heureux ou tragique, prépare-toi doucement à son arrivée.
S’il ne naît pas encore en toi… ne soit pas impatient. Dieu nous atteint tous et toutes, sur terre, sans exception. Seulement il nous attend à son heure.
S’il ne naît pas en toi… tu ne reconnaîtras pas celui ou celle qui frappe à ta porte et tu taperas toujours sur l’étranger, donc sur l’Enfant-Dieu.
…S’il ne naît pas en toi… la religion que tu véhicules à travers ta phrase rituelle : « je suis croyant, pas pratiquant » ne sera qu’un paravent religieux dérisoire qui te privera d’une force incalculable.
S’il ne naît pas en toi… Prépare-toi à un beau Noël païen où tu réjouiras seulement ton estomac, laissant vide ton âme.
…Si tu essaies d’éveiller ou de réveiller en toi ce mystère de la naissance de l’Enfant-Dieu, tu te donnes toutes les chances pour un Noël de partage et de tolérance, à la force irrésistible.
Elle ne te quittera plus, cette force, si, partant d’une naissance prodigieuse, tu chemines durant l’année sur la route des mystères de la souffrance et de la mort du Christ jusqu’à la résurrection.
Fin de citation.
Avec cette naissance au fond de vous
Vous allez peut être jouer la cornemuse ou la hautbois,
La batterie ou la guitare,
Le synthesiser ou l’orgue,
Ou alors – par défaut – des vieilles casseroles ..
Vous aller chanter sous la douche ou alors ici au temple ce jour de Noël,
Car quelque chose de divine a pris place dans votre vie humaine.
Au plaisir de vous entendre chanter …
Amen
sources :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Il_est_n%C3%A9_le_divin_enfant
https://musicologygitega.wordpress.com/2024/12/19/il-est-ne-le-divin-enfant-roques-leon-1886/