Deux hommes montèrent au temple pour prier …

prédication pour le culte de la réformation par Juliette Thin sur Luc 18, 9-14

prédication pour le culte de la réformation 2025 : Comment se tenir devant Dieu ?

NBS Luc 18, 9-14

9.Pour certains qui étaient persuadés d’être des justes et qui méprisaient les autres, il dit encore cette parabole : 10.Deux hommes montèrent au temple pour prier ; lun était pharisien, et lautre collecteur des taxes.11.Le pharisien, debout, priait ainsi en lui-même : « O Dieu, je te rends grâce de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes, qui sont rapaces, injustes, adultères, ou encore comme ce collecteur des taxes : je jeûne deux fois la semaine, je donne la dîme de tous mes revenus. » 13. Le collecteur des taxes, lui, se tenait à distance ; il nosait même pas lever les yeux au ciel, mais il se frappait la poitrine et disait : « O Dieu, prends en pitié le pécheur que je suis ! » 14. Eh bien, je vous le dis, cest celui-ci qui redescendit chez lui justifié, plutôt que celui-là. Car quiconque s’élève sera abaissé, mais celui qui sabaisse sera élevé.

 

 

Prédication

Vous vous souvenez de fables de La Fontaine apprises à l’école ?

Par exemple, si je vous demande

comment commence celle du « Héron » ?

Vous ne vous souvenez pas ?

Et bien je vais vous aider :

Un jour sur ses longs pieds allait je ne sais où
Le Héron au long bec emmanché d’un long cou.

Et comment se termine-t-elle ?

Gardez-vous de ne rien dédaigner ;
Surtout quand vous avez à peu près votre compte.

 

 

Plus facile

comment commence « Le Corbeau et le Renard »?

Maître Corbeau, sur un arbre perché,
Tenait en son bec un fromage.

Et comment se termine-t-elle ?

Tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute.

 

 

Et bien cette parabole ce matin est un peu comme une fable, puisque dès le 1er verset

nous savons à qui Jésus sadresse :

Pour certains qui sont persuadés d’être des justes et qui méprisent les autres (V.9)

Le dernier verset ressemble un peu à la morale dune fable : quiconque s’élève sera abaissé, mais celui qui sabaisse sera élevé. (V. 14)

On pourrait alors résumer le texte biblique de la façon suivante :

A ceux qui sont persuadés d’être des justes et qui méprisent les autres

Sachez que quiconque s’élève sera abaissé, mais celui qui sabaisse sera élevé.

Tout est dit, on pourrait réduire le message de la parabole à une simple recommandation dhumilité,

et la prédication pourrait se résumer à ceci : soyez humbles et tout ira pour le mieux.

Oui mais voilà, à travers ce qui semble être un paradoxe : la mise en avant de celui qui sait faire preuve d’humilité.

le texte est plus subtil, plus riche et nous dit quelque chose de plus, quelque chose de fondamental.

Alors, je reprends la fable :

A ceux qui sont persuadés d’être des justes et qui méprisent les autres

Sachez que quiconque s’élève sera abaissé, mais celui qui sabaisse sera élevé.

Et comme le fabuliste jajouterai : nous lallons démontrer tout à lheure.

En effet, entre ces 2 versets, Jésus raconte lhistoire de 2 hommes.

2 hommes qui sont au même endroit pour y faire la même chose.

 

Deux hommes montèrent au Temple pour prier, nous dit le verset 10.

Nous sommes donc au Temple de Jérusalem, lieu où pour les juifs la présence de Dieu et la relation que lon peut avoir avec lui ont le plus haut degré dintensité.

On comprend alors pourquoi nos 2 personnages sont aller y prier, même si on monte au Temple aussi pour y être vus et y régler ses affaires.

Le texte introduit ensuite une précision :  ceux qui prient au Temple sont :

un pharisien, dune part et un collecteur de taxes, dautre part.

A l’époque de Jésus, le pharisien et le collecteur de taxes sont deux personnages aux professions diamétralement opposées dans l’échelle sociale.

Les pharisiens sont dardents et intransigeants défenseurs de la loi de Moïse.

Même si à cette loi écrite ils associent également des traditions orales, les pharisiens se considèrent comme l’élite parmi les croyants dIsraël.

Il nest donc pas surprenant de voir le pharisien prier au Temple.

 

Jouvre là une parenthèse : lorsque lon consulte un dictionnaire, le terme « pharisien » est souvent associé à la notion d’hypocrisie.

Les pharisiens sont les fondateurs du judaïsme rabbinique et donc les ancêtres spirituels de beaucoup de juifs aujourdhui.

Cette réputation « dhypocrites » a imprégné notre culture, sans doute de façon dommageable.  Et la parabole de ce matin ny est peut-être pas étrangère.

Mais le pharisien de notre parabole est plus orgueilleux quhypocrite. Nous le verrons tout à lheure. Fin de la parenthèse.

 

 

Que dit le pharisien dans sa prière ?

O Dieu, je te rends grâce… Bon début

de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes, qui sont rapaces, injustes, adultères,

Ah tiens, tout de suite après avoir offert une brève parole de gratitude à Dieu,

il tient à se mesurer à tous les autres hommes, qui, si lon en croit le pharisien, ne sont pas le haut du panier puisqu’ils sont rapaces, injustes, adultères.

Puis vient la comparaison qui à elle seule peut résumer toutes les qualités du pharisien puisqu’il nest pas comme ce collecteur de taxes (V. 10), nous dit le texte.

Collecteur de taxes infidèle aux commandements religieux et donc impur, nous y reviendrons tout à l’heure.

Et on entend là la dose de mépris contenue dans cette formulation « ce collecteur de taxes »

Mais nous étions prévenus puisque dès le début de la parabole

Jésus annonce quil sadresse à ceux qui méprisent les autres.

Nous y voilà.

 

Et le pharisien insiste, non seulement il nest pas comme ceux qui agissent mal

Mais en plus, il jeûne deux fois la semaine, et donne la dîme de tous ses revenus

précise le verset 11.

Si la religion juive prévoit 6 jours de jeûne par an, le seul mentionné dans la Torah est celui de Yom Kippour (Lévitique 23).

Les pharisiens eux, jeûnaient en plus 2 jours par semaine.

En cela, le personnage de notre passage ne faisait que respecter la règle qui était celle de sa communauté, même si elle allait au-delà de ce qui était prescrit.

La dîme est également prescrite dans le Lévitique au chapitre 27.

La loi stipule de verser la dîme sur les produits des récoltes et sur les animaux d’élevage.

En versant la dîme sur tout ce qu’il acquiert, le pharisien va encore au-delà de ce qui est prescrit.

Cet homme-là n’est pas parfait, il est plus que parfait.

Pourtant, le pharisien nest pas un hypocrite :

il sabstient surement des péchés quil énumère, il jeûne et il donne la dîme, plus que la loi ne lexige, certainement.

Mais au cœur de sa prière cest l’orgueil d’être parfait que lon trouve véritablement !

Car si le pharisien prie c’est pour dire à Dieu, qui le sait déjà, les mérites de tout ce qu’il fait.

Le pharisien finalement ne se parle qu’à lui-même.

Dieu est très absent de cette prière.

Imbu de lui-même, le pharisien ne laisse pas de place pour Dieu.

Plus encore, il conditionne sa justification, cest-à-dire son approbation par Dieu, à sa parfaite observation de la loi.

Il se perçoit comme Juste parce quil obéit à la loi.

Et plus encore, à ses yeux, ceux qui nobservent pas parfaitement la loi ne méritent pas les faveurs de Dieu : pour lui, lamour de Dieu est soumis à condition.

 

 

La présence du collecteur de taxes au Temple est, elle, plus inattendue.

On est surpris de le voir là.

Dignitaire chargé de recouvrer limpôt pour loccupant romain, qui ne reconnait pas et ne respecte pas la loi de Dieu, le collecteur de taxes se compromet, il trahit ses semblables et est religieusement impur.

En plus, il a la réputation d’être malhonnête dans sa manière de percevoir les taxes.

C’est un collabo doublé d’un escroc. En somme, quelqu’un d’infréquentable.

Rappelons-nous, néanmoins, que Jésus a choisi Matthieu, lui aussi collecteur de taxes, comme disciple et la chargé de diffuser sa Parole.

Pensons aussi à Zachée au chapitre suivant de l’Évangile de Luc, chef des collecteurs dimpôts de Jéricho qui se convertit lors de la fameuse scène où il est grimpé sur un sycomore.

 

Maintenant que les 2 protagonistes ont été présentés : M. Plus que Parfait et un M. infréquentable, il est très facile de répondre à la question : lequel des 2 sera justifié, lequel de 2 sera approuvé par Dieu ?

Le pharisien. C’est évident ! Surtout pour les auditeurs de l’époque.

Oui, mais voilà, avec Jésus, il faut se méfier des évidences, car ça n’est pas la bonne réponse.

Pourquoi ? Revenons au texte.

A lopposé du pharisien, ce qui est visible chez le collecteur de taxes,

cest son humilité dans sa posture et dans sa prière.

En effet, le contraste est grand entre lattitude physique du pharisien, debout

et celle du collecteur de taxes, à distance et les yeux baissés; nous dit le verset 13.

Mais plus encore se sont leurs paroles.

Si seuls les deux premiers mots, « Ô Dieu », sont les mêmes ;

la prière, très brève, du collecteur de taxes est une véritable prière,

de confession du péché « Je suis pécheur »

et de demande du pardon, « prends pitié ».

Rien dans le texte ne nous dit les raisons pour lesquelles le collecteur de taxes se reconnaît pécheur et demande pardon.

A la différence du pharisien qui dresse la liste de ses bonnes actions,

le collecteur de taxes ne dit rien sur ses actions, bonnes ou mauvaises.

Est-ce sous-entendu compte tenu de sa fonction qui fait de lui un réprouvé ?

Rien ne nous le dit.

Mais à travers ses paroles, « Ô Dieu, prends pitié du pécheur que je suis »,

le collecteur de taxes reconnaît sa fragilité et sa vulnérabilité,

et il se laisse regarder par Dieu tel quil est.

Le pharisien a les mains pleines de suffisance

Il se compare aux autres qu’il regarde de haut parce qu’ils ne sont pas aussi religieux que lui.

Il est confiant dans sa justification grâce à ses bonnes œuvres,

Il est tout entier le sujet de sa prière et ne se tourne pas vers Dieu

Le collecteur de taxes lui, a les mains vides.

Il se sait pécheur et implore la grâce de Dieu.

Il se tourne vers Dieu dans une véritable repentance

pour implorer sa miséricorde, son pardon et son salut

 

 

Et nous, lequel des 2 sommes-nous ?

Le 1er ?

Qui se mesure aux autres et se rassure ?

Qui se définit par ce qu’il fait et qui ne compte que sur lui-même ?

Qui est tellement plein de lui-même que Dieu n’a plus de place en lui ?

Le 2nd ?

Qui reconnait ses limites ?

Qui est vide devant Dieu ?

Qui entre en relation avec Dieu ?

L’honnêteté nous pousse à reconnaitre que nous sommes plus souvent le 1er que le 2dn.

Nous sommes inquiets, « est-ce que Dieu voit tout ce que je fais de bien ? »

et oublieux de l’amour et de la grâce de Dieu.

Car c’est bien de cela dont il s’agit.

La parabole nous invite à vivre de la foi du 2dn

Comment ?

Si à notre tour, comme le collecteur de taxes, nous apprenons à reconnaitre nos limites, nous serons alors justifiés, approuvés par Dieu et rétablis à notre juste place.

Pour cela, il faut tout dabord entrer dans la certitude que, nous avons été créés dans la condition humaine et donc avec des limites.

Puis, être assurés que, quel que soit notre état, nous sommes reconnus comme fils et filles de Dieu et aimés tels que nous sommes, avec notre histoire, nos fragilités et notre vulnérabilité.

Voilà qui constitue certainement une grande et bonne nouvelle.

Ce message fort n’est pas quelque chose d’abstrait, de théorique. Nous sommes appelés à en vivre tous les jours.

J’ai eu la chance, et je le mesure, d’en vivre une forme d’illustration dans le monde du travail.

Javais un manager qui disait « tu nes pas ce que tu fais »

Si cette phrase peut surprendre au début, une fois bien comprise elle se révélait extrêmement libératrice.

Quest-ce quil voulait dire par là à ses collaborateurs ?

Tout simplement quil ne les jugeait pas uniquement sur la qualité, bonne ou mauvaise de leurs travaux, mais quil les considérait de manière plus globale.

Il était attentif à ses collaborateurs de façon intégrale : prenant en compte leur contexte professionnel, leur condition physique, parfois même.

Ce qui ne voulait pas dire que parce que le contexte était compliqué et la fatigue présente on pouvait présenter un mauvais travail sans risque de remarques.

Non un travail de qualité insuffisante faisait lobjet de remarques bien sûr,

mais cest le travail qui était jugé et non pas la personne.

Il ne disait pas « tu nes pas à la hauteur des attendus » mais « ce travail nest pas à la hauteur des attendus ».

Cest subtil, et ça change tout.

Ceci permettait aux collaborateurs de se décentrer et de travailler dans la confiance.

Mais plus encore, cette phrase sappliquait aussi lorsque les travaux remis ou présentés étaient de bonne qualité.

Ceci pour éviter que les très bons ne prennent la grosse tête et ne regardent les autres de haut.

En parlant de sa fonction de manager, il utilisait le terme de « tunning », qui est le mot anglais pour « réglage ».

Son réglage à lui était :

  • Donner confiance à ceux qui en ont besoin et les aider à progresser.
  • Reconnaitre les compétences de ceux qui maitrisent leur sujet sans les mettre sur un piédestal.

Voilà un exemple de ce qui est rendu possible lorsqu’un manager cherche à aligner sa vie de foi, parce qu’il en avait une, et sa fonction de leader.

A sa façon, il avait mis en pratique le verset 14 : « quiconque s’élève sera abaissé, mais celui qui sabaisse sera élevé. »

Mais la parabole daujourdhui dit encore quelque chose dautre, quelque chose de fondamental.

Voyons ce dont il s’agit :

Que nous dit la parabole sur la façon dont le pharisien s’élève ?

A travers sa prière, le pharisien se définit par ce quil fait, et quil fait bien, nous lavons compris.

Peut-être quil cherche à recevoir des bons points de la part de Dieu ?

Peut-être aussi quil croit que Dieu distribue des bonnets d’âne, aux hommes rapaces, injustes, adultères et surtout aux collecteurs de taxes ?

Ce qui est sûr cest qu’à travers sa prière, il croit que le faire est plus important que l’être, que ses bonnes actions suffisent pour être approuvé par Dieu, pour être justifié.

Son excellente moralité le rend tout à fait imperméable à la Grâce.

Et que nous dit la parabole sur la façon dont le collecteur de taxes sabaisse ?

Rien.

 

Le collecteur de taxes lui ne parle pas de ce quil fait.

Il aurait pu dire : « je travaille pour lennemie, je menrichie de façon malhonnête, aux détriments de mes semblables ».

Il ne dit rien de tel.

En fait, il va plus loin

A travers sa prière il se reconnaît pécheur, véritablement, devant Dieu.

Il reconnaît humblement que son Salut ne dépend ni de lui, ni de ce quil fait.

Non, son salut se trouve dans la seule miséricorde de Dieu, dans la seule grâce de Dieu.

Son dénuement intérieur le rend perméable à la Grâce.

Car c’est bien la grâce de Dieu qui est le message principal du texte de ce jour.

En effet, au travers de cette parabole, le Christ nous invite à comprendre que nous sommes aimés de Dieu tel que nous sommes, gratuitement, que nous avons du prix à ses yeux.

 

Ne tombons pas dans le piège qui consiste à croire que cette parabole nous invite à l’humilité, car il y a parfois autant d’orgueil à être vertueux qu’à être humble.

Non, la parabole du pharisien et du collecteur de taxes nous invite à trouver notre juste place : sans position de supériorité, sans se croire plus parfait quun autre, conscients de nos limites, quil nous appartient dassumer et de vivre en vérité devant Dieu, dans sa Gâce.

Le paradoxe de cette parabole est que Jésus déclare justifié celui que la société de l’époque réprouve et considère avec mépris.
Lordre des valeurs est inversé, voir même renversé.

 

 

En ce dimanche de la Réformation, où nous nous souvenons de laffichage sur les portes de l’église de Wittenberg de ses 95 thèses par Luther, rappelons-nous que lobservation de la loi nest pas tout, comme le pensait le pharisien.

En effet, aussi riche quil soit, le collecteur de taxes reconnait ici sa pauvreté dhomme et sa pauvreté d’âme. Face à Dieu, il se sait pécheur, mais espère dans le Seigneur.

Là est toute sa foi.

Là est aussi la nôtre.

La justification ne se mesure donc plus aux œuvres, bonnes ou moins bonnes,

mais à la foi en la Grâce de Dieu.

Amen

 

 

 

 

Juliette THIN   26 octobre 2025

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