- Accueil
- Actualités
- prédications
- Vie spirituelle
- Dans l’attente …
Dans l’attente …
Partage
prédication du premier avent 2025 par Nicolas Beaude à partir de Matthieu 24, 37-44 et Esaie 2, 1-5

Lectures
Esaie 2, 1-5
2Un jour viendra où la montagne de la maison du Seigneur sera fermement établie au sommet des montagnes et se dressera au-dessus des collines. Alors tous les peuples afflueront vers elle. 3Des foules nombreuses s’y rendront et diront : « En route ! Montons à la montagne du Seigneur, à la maison du Dieu de Jacob. Il nous enseignera ce qu’il attend de nous, et nous suivrons ses chemins. » En effet, c’est de Sion que vient l’enseignement du Seigneur, c’est de Jérusalem que nous parvient sa parole. 4Il rendra son jugement entre les pays, il sera un arbitre pour des peuples puissants. Avec leurs épées, ils forgeront des socs de charrue, et avec leurs lances, ils feront des faucilles. On ne lèvera plus l’épée un pays contre l’autre, on ne s’exercera plus à la guerre. 5Vous, les descendants de Jacob, en route ! Marchons dans la lumière du Seigneur !
Matthieu 24, 37-44
37Ce qui s’est passé du temps de Noé se passera de la même façon quand viendra le Fils de l’homme. 38En effet, à cette époque, avant le déluge, les gens mangeaient et buvaient, se mariaient ou donnaient leurs filles en mariage, jusqu’au jour où Noé entra dans l’arche ; 39ils ne se rendirent compte de rien jusqu’au moment où le déluge vint et les emporta tous. Ainsi en sera-t-il quand viendra le Fils de l’homme. 40Alors, deux hommes seront aux champs : l’un sera emmené et l’autre laissé. 41Deux femmes écraseront du grain au moulin : l’une sera emmenée et l’autre laissée. 42Veillez donc, car vous ne savez pas quel jour votre Seigneur viendra. 43Comprenez bien ceci : si le maître de la maison savait à quel moment de la nuit le voleur doit venir, il resterait éveillé et ne le laisserait pas pénétrer dans sa maison. 44C’est pourquoi, vous aussi, tenez-vous prêts, car le Fils de l’homme viendra à l’heure que vous ne pensez pas.
Prédication
Nous allons rentrer dans ces deux textes progressivement comme par cercles successifs.
Premier point : transformons notre regard sur le monde sur les événements.
C’est bien d’une transformation que nous parlent ces textes
Forgeons des charrues à partir de nos épées et des faucilles à partir de nos lances – belle image suggestive de transformation de la finalité fondamentale des choses.
Et marchons à la lumière du Seigneur.
La mention du déluge qui surgit au début de ce texte.
Jésus convoque dans son récit des événements qui peuvent être vus comme dramatique, en tout cas qui ont « changé la face du monde » en langage moderne.
En l’occurrence qui a radicalement changé la vie des hommes et des femmes de tous les êtres vivants, et qui les a sauvés face à un danger de mort.
Et le ton est volontiers dramatique l’un est pris l’autre laissé
Les textes nous parlent d’une transformation en profondeur.
Luther l’avait bien clairement perçu : qui pourra justifier d’une vie « à la hauteur »
qui pourrait réciter au monde et à ses semblables intégralement tous les bienfaits de dieu. Une vie n’y suffirait pas.
Nous sommes donc devant une sorte d’abime. En même temps nous préférons la paix à la guerre, en même temps nous mesurons tous les jours et particulièrement en ce moment combien il est difficile d’arrêter les guerres, les conflits. Et combien nous pouvons nous sentir impuissants en tant que « personnes de bonne volonté »
Le texte parle des temps derniers, de a parousie. C’est en même temps la mort du monde tel que nous le connaissons et l’avènement du Christ à la fin des temps. Pourquoi avoir choisi ce texte pour rentrer dans l’avent. C’est un premier paradoxe qui annonce l’importance du témoignage de Jésus à la fin de sa vie, ainsi qu’une attente incertaine.
Cette finale, comme la naissance de Jésus est inattendue. Elle bouscule les codes, elle balaye ce qui existe, ce qui paraissait être les principes du monde et de la société. Elle arrive là où on ne l’attend pas.
c’est le moment le 1er dimanche de l’avent
je voudrais à ce stade partager quelques points émergés de l’étude de Qohélet (l’ecclésiaste) que nous avons partagés dans le groupe d’étude et partages bibliques du samedi.
L’évangile nous dit que avant le déluge, « on mangeait et on buvait, on prenait femme et mari » jusqu’au jour ou Noé entra dans l’arche.
Cela fait penser au Carpe Diem « cueille l’instant » que l’on pourrait traduire (évangile) par « mangeons et buvons demain nous mourrons » dans une idée d’insouciance, sans trop songer aux conséquences, et comme une manière de nous distancier des problèmes du monde réel.
Bien sur le créateur a fait l’être humain bien faible et chétif pour survivre dans un monde aussi hostile.
D’autant que l’homme lui-même est souvent un loup pour l’homme.
Dans Qohélet le sens est différent. Nous sommes appelés à un Carpe Diem simple, nous réjouir des bonnes choses sans prétentions. Sans être sans cesse dans l’amélioration du monde et surtout l’accumulation des richesses, des productions, quelqu’elles soient matérielles, précieuses, monétaires, ou intellectuelles, philosophiques. Car toutes ces réalisations sont précaires et fragiles, balayées par le cycle implacable du monde ou une génération chasse la suivante, Et surtout le temps et les assauts de la nature ont raison de toutes les constructions même les plus belles et les plus solides
Un appel à se réjouir de ces choses simples, à vivre de la joie. Une joie simple. Un aspect assez inattendu au milieu d’un texte aussi sombre et implacable, qui dit aussi la futilité l’insignifiance comme de la buée des œuvres humaines.
Cette attitude simple reconnaissante et joyeuse des bienfaits de la création « car c’est là tout l’homme » rejoint visiblement l’attitude d’attente de la venue du Christ dans le monde. Autant que possible dans la confiance.
Un paradoxe de plus. Un monde sombre, implacable, ou rien n’est acquis, ou le mal et la corruption règnent, mais capable d’accueillir une joie simple, et au-delà la joie ultime de la visite de son sauveur. Et la confiance qu’il est là à nos cotés.
Pour nous préparer à la visite de ce sauveur, il nous faut bien nous débarrasser de certitudes trop simplistes. Descendre de notre piédestal de se sentir maitre de la vérité, des lois du monde. Et même de la tentation d’y laisser sa trace indélébile.
Nous sommes invités à veiller, mais à veiller sans savoir.
En première étape voyons que cet état de veille est assez naturellement celui de la personne qui ne sait pas ce qui va se passer :
Dans toutes ces situations je n’ai pas tendance à partir ailleurs, mais plutôt à surveiller ce qui m’intéresse parce qu’il y a un enjeu pour moi. Et si c’était le message au premier degré : il y a un enjeu pour le monde, et donc pour moi et mes frères et sœurs, de la venue de Jésus sur terre.
La deuxième métaphore utilisée par Jésus évoque deux personnes dans divers lieux de leur activité quotidienne (leur champ le moulin) l’un est pris l’autre laissé. C’est totalement arbitraire. Ce choix n’est précédé d’aucun critère ni d’aucune justification. Les humains sont séparés c’est un constat. Comment donc s’y préparer ? à quoi bon ?
Regardons ce texte Quelle est la bonne question ?
Vous savez bien que ce sont le plus souvent les questions qui comptent et non les réponses.
La question fondamentale est-elle vraiment pourquoi l’un est pris l’autre laissé ?
Aucune mention de ce point, ce qui domine c’est l’arbitraire …
Le texte nous oriente clairement vers une autre voie.
La vraie question serait plutôt comment puis je vivre avec cette incertitude que l’un sera pris l’autre laissé. Dans cette zone de non savoir de non maitrise.
Pour moi-même ? pour une partie de moi-même ? pour mes proches ceux qui me sont chers ? Pour ceux que je condamne comme étant criminels ? je n’en sais rien. Ou peut être tout cela à la fois.
En tous cas l’intention de Jésus n’est pas d’apporter la condamnation sur certains ou certaines.
Dieu veut avant tout nous inonder de sa lumière comme le symbolise notre bougie.
Rendre les choses plus claires, éclairer.
Reste donc la question existentielle que pose ce texte c’est que faire face à cette incertitude ?
Rachi Rabin grand commentateur juif médiéval de la bible hébraïque développe l’idée suivante
Si l’homme connaissait (avec précision et assez à l’avance) le moment de sa mort il pourrait tomber dans le désespoir, ou au contraire dans la négligence.
Désespoir à quoi bon faire le bien si ma fin est si proche ?
Négligence pour remettre à plus tard mes actions et ma repentance « j’ai bien le temps »
Il y aurait donc un lien entre cette ignorance (ou cette incertitude) et la crainte de dieu, la capacité à accomplir ses commandements avec sérieux.
Ceci stimulerait la piété, l’effort moral ; chaque jour pourrait être le dernier. Et au fond cette incertitude renforce sa foi et son engagement.
Bon pourquoi pas ?
Quoiqu’il en soit nous sommes plongés dans ce monde de misère humaines et de tribulations qui sont présentées dans les versets qui précèdent comme des signes de l’arrivée imminente du Royaume de Dieu. Ce jour là nous dit l’Évangile, les croyants n’auront plus rien à craindre même si les âmes seront mises à nu complètement dévoilées. Ce moment n’est pas encore connu, ni daté. Les textes s’efforcent de nous inciter à les considérer avec confiance plutôt qu’angoisse. C‘est pas toujours facile bien sûr. Mais c’est encore une image de l’incertitude à laquelle est confrontée l’existence humaine.
Mais alors à quoi bon veiller ?
Veiller nous apparait comme un grand paradoxe, dans notre monde, et dans nos vies. Nous n’en avons pas le temps
Revenons à la venue de Jésus. L’humanité ne pouvait rien savoir de sa venue, encore moins de son moment précis
Et le monde s’est révélé très inhospitalier pour lui, du début à la fin, de sa naissance à sa mort.
Pourtant il est venu comme un avènement de l’amour de dieu pour l’humanité.
Mais d’une manière difficile à comprendre depuis le début.
Et pourtant dieu réalise la promesse mainte fois exprimée dans la première alliance il envoie son messager, son messie, il vient visiter son peuple. (et on ajoute souvent son peuple ne l’a pas reconnu)
Et nous nous sommes en attente perpétuelle car nous ne sommes pas en mesure de connaitre complètement le royaume qui nous est annoncé.
Ce que nous savons, c’est que nous en sommes les citoyens, les enfants, et les bénéficiaires, – avec d’autres bien entendu – mais nous attendons, sans savoir exactement quoi
C’est un paradoxe. Nous ne pouvons rien savoir sur l’objet de notre attente. Mais ce n’est pas grave parce qu’il vient, il réalise sa promesse, et c’est ce qui doit nous suffire. Il nous donne des cadeaux sur le chemin. Et le premier cadeau c’est sa présence.
Alors comment prévoir l’inattendu ? Par définition c’est quelque chose d’impossible.
Alors parfois notre recherche de certitudes pèse sur nos vies. Nous fermons nos portes avec de solides serrures, nous prenons des assurances contre le vol, la maladie, l’absence. Nous nous enfermons dans la peur en particulier la peur de l’autre. Et aussi parfois dans nos certitudes.
Un jour nous pouvons prendre conscience que nous avons passé notre vis à consommer, à accumuler, à être pleins de tout.
C’est peut-être cela le contraire de veiller, être plein de savoirs, de certitude, de besoin de protection et de sécurité, de biens accumulés pour le simple plaisir d’accumuler.
Et malgré tout dieu, c’est-à-dire Jésus vient dans ce monde ci.
Il ne vient pas parce que nous sommes préparés ; il vient parce que nous ne sommes pas préparés. Il vient parce que notre monde est malade et qu’il faut le réparer, le guérir le purifier.
Nous nous servons tous les jours de séparations, de cloisons, de portes pour maintenir à distance l’inattendu.
Et dieu se moque des portes fermées, il se joue des clés et des serrures il trouve un autre moyen de venir quand même. Il déjoue nos plans et nos prévisions. Il peut changer l’heure et le lieu du rdv.
Et au fond c’est une bonne chose car le laisserions nous entrer ?
Finalement heureux ceux qui n’ont pas tout prévu, ceux qui ne sont pas prêts, ceux qui ont oublié de fermer leur porte à double tour. Ceux qui manquent ou qui doutent, ceux qui n’y croient plus car c’est alors qu’il se manifeste. Là ou ne nous l’attendions plus, dans une mangeoire, dans nos vies. C’est là qu’il vient : dans nos vies.
Une chose qui m’a toujours frappé dans l’évangile c’est que les disciples comprennent après coup. À peu près jamais sur le moment. Au point qu’ils interrogent souvent Jésus sur ce qu’il vient de faire.
Et s’il fallait abandonner cette idée de veiller pour saisir la présence de dieu avant.
C’est peut être hors de notre portée, et nous pourrions avoir le réflexe de l’empêcher d’entrer
Et chercher plutôt comment constater qu’il était là après … à notre insu d’une certaine façon, de façon improbable et souvent fugitive. Presque toujours déroutante et parfois dérangeante.
Regardons et relisons nos vies pour y distinguer la trace que dieu y a laissée.
Tout ce que nous pouvons faire, c’est constater qu’il vient, lorsque nous sommes délestés de tout ce qui nous embarrassait, de tout ce qui nous pesait, de tout ce qui nous empêtrait.
Il vient. Il nous vole peut être le trop plein, nous déleste du non indispensable, à l’occasion nous laisse un peu vides, pour faire place à l’espérance. Il nous creuse pour l’attente.
Mais quelle attente ?
Au fond ce n’est pas nous qui le guettons ; c’est lui qui surgit dans nos vies, sans qu’on sache comment, et lui seul trouve le moyen d’entrer même toutes portes closes.
Alors, il n’y a plus nous, du bon côté de la porte et le voleur dehors, il n’y a plus ni dedans ni dehors.
Il y a lui avec nous, il y a cette alliance et de la place en nous pour l’accueillir. De l’air et du vent qui sont le signe de son esprit.
Alors il peut vivre en nous et nous en lui.
Et c’est alors que nous perdons toute illusion envers nous même. Ce n’est pas nous qui sommes capables de l’accueillir, c’est lui qui est capable de déjouer toutes nos fermetures et tous nos stratagèmes.
C’est lui qui vient et déjà frappe à la porte de notre cœur en ce premier dimanche de l’avent.
C’est parce que dieu nous aime qu’il nous bénit et qu’il s’introduit dans nos vies.
Nicolas BEAUDE , 30 novembre 2025