prédication sur Luc 4, 16-22
Prière d’illumination
Seigneur, quand le bruit du quotidien nous empêche d’entendre ta voix,
quand le bruit de nos soucis couvre tes paroles d’espérance,
quand le tumulte de la vie semble nous emporter, éveille nos cœurs à ta Parole.
Seigneur, quand nous n’arrivons plus à discerner ce qui est prioritaire,
quand nous ne voyons plus que l’ombre des choses,
quand nous ne savons plus distinguer l’essentiel du superflu,
ouvre nos yeux à ta présence.
Eveille nos coeurs à la Parole que nous allons entendre maintenant,
qu’elle soit notre nourriture, celle qui nous permet d’avancer et de toujours espérer.
Amen
Lectures bibliques
Lecture I : Esaïe 58, 05-09a version de la TOB
5 Doit-il être comme cela, le jeûne que je préfère, le jour où l’homme s’humilie ? S’agit-il de courber la tête comme un jonc, d’étaler en litière sac et cendre ? Est-ce pour cela que tu proclames un jeûne, un jour en faveur auprès du SEIGNEUR ?
6 Le jeûne que je préfère, n’est-ce pas ceci : dénouer les liens provenant de la méchanceté, détacher les courroies du joug, renvoyer libres ceux qui ployaient, bref que vous mettiez en pièces tous les jougs !
7 N’est-ce pas partager ton pain avec l’affamé ? Et encore : les pauvres sans abri, tu les hébergeras, si tu vois quelqu’un nu, tu le couvriras : devant celui qui est ta propre chair, tu ne te déroberas pas.
8 Alors ta lumière poindra comme l’aurore, et ton rétablissement s’opérera très vite. Ta justice marchera devant toi et la gloire du SEIGNEUR sera ton arrière-garde.
9 Alors tu appelleras et le SEIGNEUR répondra, tu héleras et il dira : « Me voici ! »
Lecture II Luc 4, 16-22 version TOB
16 Il vint à Nazara où il avait été élevé. Il entra suivant sa coutume le jour du sabbat dans la synagogue, et il se leva pour faire la lecture.
17 On lui donna le livre du prophète Esaïe, et en le déroulant il trouva le passage où il était écrit :
18 L’Esprit du Seigneur est sur moi parce qu’il m’a conféré l’onction pour annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres. Il m’a envoyé proclamer aux captifs la libération et aux aveugles le retour à la vue, renvoyer les opprimés en liberté,
19 proclamer une année d’accueil par le Seigneur.
20 Il roula le livre, le rendit au servant et s’assit ; tous dans la synagogue avaient les yeux fixés sur lui.
21 Alors il commença à leur dire : « Aujourd’hui, cette écriture est accomplie pour vous qui l’entendez. »
22 Tous lui rendaient témoignage ; ils s’étonnaient du message de la grâce qui sortait de sa bouche, et ils disaient : «N’est-ce pas là le fils de Joseph ? »
Prédication
Si je suis chrétienne, si j’ai plaisir à ouvrir la Bible, à lire et méditer ces paroles, c’est entre autres à cause de cette promesse et conviction profonde :
Ce qui est écrit ici,
ce qui nous est transmis de loin,
peut se réaliser ici et maintenant.
Ces paroles peuvent devenir vivantes pour moi encore, quand je m’ouvre à elles.
« Ce passage de l’Écriture s’accomplit, aujourd’hui, pour vous qui entendez, dit Jésus à l’assemblé. Quelques traductions disent : « vous qui avez des oreilles. »
Faites le test, nous aussi nous avons des oreilles.
La question est : Ce qui est dit,
est-ce que cela tombe dans l’oreille d’un sourd,
sommes-nous réceptifs? Sommes-nous touchés ?
Avons-nous l’impression que quelque chose se réalise maintenant ?
Parfois cela tombe au moment juste :
J’ai envie de me lamenter avec Jérémie,
je me retrouve dans les appels au secours d’un psaume,
je me sens comme les disciples en train d’aller à la pêche sans grand succès … et puis, miracle, l’inattendu arrive,
comme Thomas j’aspire aux preuves,
pour ensuite me laisser embarquer en toute confiance, comme Noé, aveuglement sans voir où cela va aboutir …
Une bible comme document littéraire et historique ne m’intéresse guère.
C’est parce que la lecture peut nous inspirer toujours de nouveau, c’est parce que l’aventure continue que ce livre est si vivant :
« Ce passage de l’Écriture s’accomplit, aujourd’hui, pour vous qui vous avez des oreilles ».
Qu’est-ce qui fait que cela s’accomplit ? Est-ce réservé à Jésus seulement, car il aurait des super pouvoirs que nous n’avons pas ?
Non.
Il est le médecin qui n’arrive pas à se guérir lui-même.
Il va être cet opprimé qui meurt sous la torture, qui a besoin qu’on le fasse sortir de la tombe, de la mort.
Dans le passage qui précède notre texte du jour, Jésus avait renoncé à toutes sortes de pouvoir. Le tentateur, Satan, lui propose une autre vie. Une vie où Jésus aurait de l’autorité, une vie où il serait invulnérable, une vie de magicien où il pourrait transformer des pierres et pain. Jésus refuse. Jésus renonce à ces offres. Il se contente de la fragilité humaine et compte sur l’aide divine et la solidarité humaine uniquement.
C’est pourquoi, malgré tous les miracles qui auront lieux plus tard, nous constatons son impuissance : même avec lui, seuls deux ou trois aveugles vont retrouver la vue,
seules quelques personnes vont se lever de leur lit de maladie,
Jean Baptiste, lui-même, d’autres vont succomber sous l’injustice humaine,
Alors comment ose-t-il dire « Ce passage de l’Écriture est accompli … » ?
Pour moi, la clé ce sont les oreilles.
Quand Jésus dit que c’est accompli et que cela s’accomplit, la réaction logique serait d’aller voir et vérifier ce qui se passe, où et comment les choses se réalisent.
L’oeuvre de Dieu en Jésus comme spectacle,
le croyant comme spectateur qui applaudit ou juge ce qu’il voit.
Mais Jésus insiste sur l’écoute.
Il fait confiance que l’écoute va déclencher une réaction.
Que font les paroles en nous ?
Vont-elles nous émouvoir ? nous interpeller ? finalement nous faire réagir et agir ?
Vous connaissez peut-être ce modèle de la communication qui explique, que l’importance n’est pas forcement ce que nous disons ou envoyons comme message,
mais que tout se joue au moment de la réception : Comment allons-nous entendre, accueillir le message ?
Friedmann Schulz von Thun part de l’idée que nous avons tous 4 oreilles, 4 façons d’entendre :
- L’information spécifique (sans interprétation).
C’est l’information de base.
« J’ai faim. » > ok, j’entends.
- L’appel (ce que je souhaite que l’autre fasse, l’action recherchée)
Il arrive souvent que dans un message se cache une volonté d’obtenir quelque chose de l’autre (action, ordre, demande, désir, etc.) et ceci sans le dire clairement.
« j’ai faim ». > D’accord je vais te préparer quelque chose à manger
- La relation (ma position vis-à-vis de l’autre)
Chaque message va refléter la qualité de la relation, les sentiments éprouvés par les deux interlocuteurs. Cette dimension du message est souvent exprimée à travers le langage para verbal (la manière de dire les choses) et le langage non verbal (gestuelle, mimiques, réactions physiologiques)
« J’ai faim. » > Mais, quoi alors ? Oui, je sais le repas n’est pas prêt, mais vraiment pas besoin de me reprocher cela …
- La révélation de soi (le feedback que j’exprime)
Chaque message que vous envoyez donne de précieuses indications (feedback) sur vous, vos attentes, votre humeur et vos émotions, de manière parfois explicite et souvent implicitement. C’est-à-dire que vous laissez à l’autre le soin de « deviner » le contenu de vos pensées…
« J’ai faim » … car, en vérité, j’avais tellement à faire, que je n’avais même pas le temps de manger. Alors je voudrais bien un peu d’empathie pour moi.
Beaucoup de conflits s’expliquent par le fait que ce qui voulait être dit est entendu avec un autre l’oreille, le message envoyé ne correspond pas au message reçu. Celui qui croyait recevoir de la compassion pour le fait qu’il avait une journée chargée, se retrouve face à une personne vexée qui pense qu’on lui fait des reproches, etc.
Serions-nous témoins d’un tel malentendu à la synagogue de Nazareth ?
L’assemblée qui entend Jésus est d’abord étonnée , puis énervée, puis en colère.
C’est d’abord : n’est-ce pas le fils de Joseph ? et alors on le prend comme une révélation sur Jésus : Mais pour qui est-ce qu’il se prend ?
Il se met à la place du messie, d’un prophète …
L’assemblée entend par l’oreille d’une révélation et cela passe mal.
Et puis Jésus enfonce encore le clou et donne deux exemples où des prophètes ont aidé des étrangers et non des autochtones. Et là, cela tourne encore plus mal, cette fois-ci sur le plan des relations : un, il se prend pour supérieur, deux, il veut agir seulement ailleurs …
Mais est-ce vraiment ce qu’il a dit ?
Ce qu’il a voulu transmettre ?
Je n’ai pas pu lui poser la question, mais je pense qu’on aurait pu entendre autrement.
Moi, dans la synagogue à Nazareth,
Je peux entendre, par exemple, un appel :
Il y a des gens qui ont besoin d’aide,
nous sommes des gens qui ont besoin d’aide,
mais puisque Dieu nous donne la force d’attaquer ces problèmes,
que pouvons-nous faire pour venir en aide?
Je peux entendre, sur le plan relationnel, qu’il compte sur moi,
pour que cela ne se passe pas comme avec Elie, qu’on avait chassé,
mais que nous soyons de celles et ceux qui savent accueillir des personnes avec des dons parmi nous pour changer le monde là où nous sommes.
Et ce serait, comme si c’était fait.
Je peux entendre la révélation que Jésus me fait :
Je suis celui qui ne peut pas s’aider soi-même. J’ai renoncé à tout cela.
Mais je veux bien travailler en équipe avec celles et ceux qui comme moi font confiance en Dieu et à sa promesse et vont aller avec moi aider à changer le sort de quelques personnes.
Et si la prédication était aussi un rappel : Nous n’avons pas de super pouvoir, certes, mais Dieu nous aide à affronter et à traverser des obstacles et de la résistance.
> donner l’exemple de l’ACAT: libérer les prisonniers aujourd’hui, c’est par exemple sensibiliser et protester contre la surpopulation dans nos prisons. Une situation inhumaine, et d’ailleurs condamnée par la cour européenne en 2022. Libérer les prisonniers d’un système dysfonctionnel, ce serait probablement notre mission aujourd’hui.
> donner l’exemple de l’Entraide :
Dans nos réunions de l’Entraide et de l’Eglise, nous sommes régulièrement témoins à quel point nous sommes loin de pouvoir dire : « c’est accompli » !
Les dossiers et démarches à suivre mettent toute patience à l’épreuve.
Après chaque problème résolu, en naissent aussitôt d’autres.
Et pourtant, avec chaque petite étape avancée, nous pouvons dire que le Seigneur manifeste sa grâce et son amour parmi nous. L’apôtre Paul l’a intégré à sa façon dans sa vie de croyant et en a fait sa maxime : « Ma grâce te suffit ! Ma puissance s’accomplit au sein de la faiblesse. » II Cor 12, 9
Que cette grâce nous fasse découvrir toujours de nouveau que Dieu est à l’œuvre encore aujourd’hui et que nos oreilles soient prêtes à bien l’entendre. Amen
Christina Weinhold, 20 octobre 2024