90 ans déclaration de Barmen prédication sur les thèses 1 et 2

Predication du 30 juin 2024 inspirée par la déclaration de Barmen (1934)

culte du 30 juin 24 corr

 

Prière d’illumination 

Ta parole, seigneur, nous l’avons lue et entendue,

100 fois, 1000 fois.

Si je m’écoutais, je croirais que je n’ai plus rien à apprendre,

que je n’ai plus besoin de toi,

 je me contenterai de ce que je crois savoir pour m’éclairer à ta lumière.

Mais je te dis : Viens !

J’ai besoin de ta lumière,

j’ai besoin de ton intelligence.

Viens renouveler, Seigneur, mon écoute de la parole.

La lecture de la Bible me nourrit chaque jour.

Fais que cette nourriture soit toujours différente,

selon ce dont j’ai besoin. Amen

 

 

Lectures bibliques 

 

I Cor 1, 26Considérez, frères et sœurs, qui vous êtes, vous que Dieu a appelés : il y a parmi vous, du point de vue humain, peu de sages, peu de puissants, peu de personnes de noble origine. 27Au contraire, Dieu a choisi ce qui est folie aux yeux du monde pour couvrir de honte les sages ; il a choisi ce qui est faiblesse aux yeux du monde pour couvrir de honte les forts ; 28il a choisi ce qui est bas, méprisable ou qui ne vaut rien aux yeux du monde pour détruire ce que celui-ci estime important. 29Ainsi, aucun être humain ne peut faire le fier devant Dieu. 30Mais Dieu vous a unis à Jésus Christ et il a fait du Christ notre sagesse : c’est le Christ qui nous rend justes devant Dieu, qui nous permet de vivre pour Dieu et qui nous délivre du péché. 31Par conséquent, comme le déclare l’Écriture : « Si quelqu’un veut faire le fier, qu’il mette sa fierté dans ce que le Seigneur a fait. »

 

Jean 14,   « Ne soyez pas troublés, leur dit Jésus. Vous avez confiance en Dieu, ayez aussi confiance en moi. 2Il y a beaucoup de lieux où demeurer dans la maison de mon Père ; sinon vous aurais-je dit que j’allais vous préparer une place ? 3Et si je vais vous préparer une place, je reviendrai et je vous prendrai auprès de moi, afin que là où je suis, vous soyez également. 4Vous connaissez le chemin qui conduit où je vais. » 5Thomas lui dit : « Seigneur, nous ne savons pas où tu vas. Comment en connaîtrions-nous le chemin ? » 6Jésus lui répondit : « Moi, je suis le chemin, c’est-à-dire la vérité et la vie. Personne ne vient au Père autrement que par moi. 7Si vous me connaissez, vous connaîtrez aussi mon Père. Et à partir de maintenant vous le connaissez, vous l’avez vu. »

8Philippe lui demanda : « Seigneur, montre-nous le Père et cela nous suffira. » 9Jésus lui répondit : « Il y a si longtemps que je suis avec vous et tu ne me connais pas encore, Philippe ? Celui qui m’a vu a vu le Père. Comment peux-tu dire : Montre-nous le Père” ? 10Ne crois-tu pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi ? Les paroles que je vous dis ne viennent pas de moi. C’est le Père qui demeure en moi qui accomplit ses propres œuvres. 11Croyez-moi quand je dis : je suis dans le Père et le Père est en moi. Sinon, croyez du moins à cause des œuvres elles-mêmes. 12Oui, je vous le déclare, c’est la vérité : celui qui croit en moi fera aussi les œuvres que je fais. Il en fera même de plus grandes, parce que je vais auprès du Père. 13Et tout ce que vous demanderez en mon nom, je le ferai, afin que le Fils manifeste la gloire du Père. 14Si vous me demandez quelque chose en mon nom, je le ferai.

15Si vous m’aimez, vous obéirez à mes commandements. 16Je demanderai au Père de vous donner quelqu’un d’autre pour vous venir en aide, qui sera avec vous pour toujours : 17c’est l’Esprit qui révèle la vérité. Le monde ne peut pas le recevoir, parce qu’il ne le voit pas ni ne le connaît. Vous, vous le connaissez, parce qu’il demeure avec vous et qu’il sera toujours en vous.

 

Prédication 

Introduction

L’intime de la foi personnelle et l’impact de la foi sur la société dans laquelle on vit.

Ces deux aspects ont toujours interrogé et intrigué les chrétiens depuis le début de leur existence.

Est-ce que ma foi commence en entrant dans un lieu de culte et s’arrête en sortant ?

En quoi est-ce nécessaire de séparer les deux ?

Jusqu’à quel point l’Etat peut-il me dire comment vivre ma foi, en quoi croire,

Et de l’autre côté :

Jusqu’à quel point ai-je le droit au nom de ma foi, de prendre position sur la place publique, ou même, m’opposer, critiquer l’Etat ?

C’est en très bref, le fil rouge des réflexions que je vous propose pour cette prédication et les deux à venir.

 

L’exemple de Jésus-Christ

Notons que Jésus est mort sur la croix parce qu’il annonçait le Royaume de Dieu.

Source de conflit.

Même parmi celles et ceux qui le suivaient, ce n’était pas si clair que ça : l’annonce du Royaume de Dieu devait-elle être comprise sur un plan spirituel, ou bien de manière politique et révolutionnaire ?

Plus Jésus accusait les dirigeants de la religion, plus on voyait en lui un danger public, prêt à mettre en cause une entente de cohabitation entre religion et état, une entente de soumission aux directives de l’empire romain.

Les Romains fonctionnaient selon le principe : Vous pouvez pratiquer tous vos cultes locaux, à condition que vous ne mettiez pas en cause la supériorité de l’Etat et c’est à dire de l’Empereur.

Plus Jésus critiquait, plus il attirait les foules, plus il devenait un danger public.

Quand on le condamne, le torture et laisse mourir sur la croix, c’est à dire sur la place publique, la raison de sa condamnation est inscrite sur un écriteau :

« Celui-ci se prenait pour le roi des Juifs ». Les Romains ont préféré  le faire taire avant qu’il ne mette la révolution et la panique au sein de la société.

De leur part, l’annonce du Royaume de Dieu était comprise comme une menace pour le règne public et politique et devait être sanctionnée.

 

La conception des deux règnes 

Au cours de l’histoire du christianisme, la question des deux règnes, c’est à dire Royaume de Dieu versus Royaume séculaire, politique, public, était souvent posée et les réponses varient, notamment face aux conditions de chaque époque.

Aujourd’hui, lors de ce culte, je veux attirer votre attention sur une réponse donnée il y a 90 ans : La déclaration de Barmen. 

C’est une déclaration qui se penche sur la question : jusqu’où se soumettre à l’Etat et jusqu’ où laisser l’Etat se mêler des questions religieuses ?

Le contexte était bien spécifique, j’y reviendrai, mais peut-être et je l’espère, cela peut nous aider face aux questions d’aujourd’hui et de notre contexte.

 

Le contexte de l’écriture de la déclaration de Barmen 

Je veux d’abord dire un mot sur le contexte de l’écriture de cette déclaration. Nous sommes en Allemagne au début des années 30.

Après la première guerre mondiale, la monarchie (une affaire avant tout protestante) avait pris fin. A la place, on proclame la République et on met en place des partis et des élections démocratiques. Mais la jeune République a du mal à faire l’unanimité. La crise sociale mondiale appauvrit une bonne partie de la population. Les charges du traité de Versailles sont lourdes. L’ancienne noblesse et force militaire regrette la perte de pouvoir et d’influence. On rêve du bon vieux temps sous l’empereur.

La situation parlementaire est compliquée, pour ne pas dire chaotique. Une multitude de petits groupes extrêmement opposés et différents les uns des autres, communistes et trotskistes, d’un côté, partis qui souhaitent le retour de la monarchie de l’autre, au milieu de tout cela quelques socialistes et centristes qui n’arrivent pas à faire union… Je parle toujours de 1930.

Dans cette situation, lors des élections en 1933, est élu comme chancelier, de façon tout à fait légitime et dans les règles de l’art, un certain Adolf Hitler.

Pourquoi a-t-il réussi à se faire élire ?

Dans un premier temps les nobles et bourgeois ne voulaient pas de lui.

Que faire avec cet étranger qui n’avait réussi, ni terminé aucune école supérieure ?

Qui a tenté une carrière dans l’art et n’a survécu difficilement qu’en vendant quelques dessins pour cartes postales ?

Que faire avec un homme qui a fait de la prison parce qu’il avait déclenché des émeutes et des violences suite à des propos haineux ?

Que faire avec ce catholique, d’une famille douteuse, sans aucune expérience dans le militaire ?

Et pourtant il avait réussi à les convaincre, car il semblait avoir changé :

Il avait abandonné un discours révolutionnaire, contre des discours plus lisses,

Il se montrait paternel et compréhensif envers la population appauvrie,

Il tenait des discours de fierté et de patriotisme, qui caressaient les âmes blessés de la bourgeoisie,

Il se joignait aux rassemblements protestants, en leur promettant un soutien sans faille …

Et à la fin, les gens se disaient que c’était peut-être lui qui allait unir des groupes tellement éparpillés, au moins cela vaut le coup d’essayer ?

Voici le contexte en 1930 …

Et assez vite, son vrai visage s’est montré.

Car Hitler voulait bien unir ce qui était divisé, mais à sa manière.

Un seul culte pour tout le monde, une même idéologie dans les deux règnes :

La pensée nazie et l’annonce de l’évangile devaient se rejoindre dans les églises et les temples.

L’église catholique faisait de la résistance, autant que possible.

Mais une bonne part des protestants se sont laissés prendre au piège.

Ils ont créé ce qu’ils appelaient les « chrétiens allemands », et accepté que la gouvernance de l’Église protestante soit soumise à un ministère de la religion de l’État, avec un évêque mis en place par les nazis.

Les signes/ symboles du parti sont entrés dans les lieux de cultes (drapeaux, croix gammée),

Les prédications furent censurées.

Les pasteurs qui s’opposaient se retrouvaient les uns après les autres en prison.

Voici le contexte en 1934.

D’où la nécessité de clarifier la situation : jusqu’à où peut-on donner à César ce qui est à César … quelle limite nous impose Dieu ? Voici la question qui s’imposait aux protestants, il y a 90 ans.

 

La déclaration 

C’est pourquoi, des délégués luthériens et réformés qui n’étaient pas d’accord avec l’attitude de leurs collègues des chrétiens allemands, se sont rassemblés plusieurs fois pour signer en mai 1934, le texte que vous avez entre les mains.

« Face aux erreurs des « Chrétiens allemands » et du gouvernement actuel de l’Église qui ravagent l’Église et mettent en pièces lunité de l’Église évangélique/ protestante allemande, nous confessons les vérités évangéliques/ protestantes suivantes »

Le texte est structuré en 6 thèses.

Chaque thèse met en avant un extrait biblique, suivi d’une affirmation et d’une contestation.

Je souhaite découvrir avec vous aujourd’hui les deux premières thèses.

 

Thèse  1

« Je suis le chemin, la vérité et la vie, nul ne vient au Père que par moi. » (Jean 14, 6) ; 

« En vérité, en vérité je vous le dis, celui qui nentre pas par la porte dans la bergerie, mais qui y monte par ailleurs est un brigand. (..) Je suis la porte. Si quelquun entre par moi il sera sauvé. » (Jean 10,1.9.)

Jésus-Christ, selon le témoignage de l’Ecriture Sainte, est lunique Parole de Dieu.

Cest elle seule que nous devons écouter ; cest à elle seule que nous devons confiance et obéissance, dans la vie et dans la mort.

Nous rejetons la fausse doctrine selon laquelle, en plus et à côté de cette seule Parole de Dieu, l’Église pourrait et devrait reconnaître dautres événements et pouvoirs, personnalités et vérités, comme Révélation de Dieu et source de sa prédication.

 

La question posée est donc : Qui a le droit de nous dire ce qu’il faut croire ou pas ?

La réponse : En vérité, à part Jésus Christ, personne.

Le croyant, en conscience, est à la recherche de la vérité, en lisant et étudiant la Bible, en écoutant l’enseignement de Jésus Christ. Aucune instance, et encore moins une instance hors de la foi, de la religion, peut alors lui dire quel message il faut tirer de la lecture biblique.

« Chaque croyant est pape avec sa bible à la main », disait au temps de la réforme, Martin Bucer.

C’est une promesse de liberté de conscience et de discernement de chacun et de chacune.

Mais c’est aussi un grand engagement, un rappel de notre responsabilité.

Les signataires de la déclaration de Barmen exhortent à faire le tri dans tout ce qu’on entend et ce qu’on peut lire et dans tout ce qu’on veut nous faire croire.

A l’époque comme aujourd’hui, nous sommes face à une communication qui nous envahit, qui nous manipule, où information et désinformation se mêlent … de quoi être désemparé.

Je lis dans ce texte un grand encouragement à garder le cap : la parole biblique, incarnée en Jésus-Christ, est la seule raison de notre obéissance, mais aussi source unique de confiance.

Parole de confiance, parole d’obéissance. …dit le texte.

Confiants que Dieu veut du bien pour nous tous,

Nous pouvons nous permettre de désobéir à celles et ceux qui cherchent à nous déstabiliser, à nous enseigner d’autres vérités, à nous faire quitter le parcours que Jésus nous trace. Une confiance qui permet de faire le tri avec recul.

Nous retrouvons ici dans un contexte bien particulier du régime nazi, le vieux débat protestant sur la liberté de conscience du chrétien.

Luther insistait là-dessus : parce que totalement soumis à Dieu, nous sommes libres devant et envers tout le monde. Il en a fait preuve quand il ne voulait pas renoncer à ses écrits, ni devant le pape, ni devant l’empereur à Worms en 1521. Réformés et luthériens reprennent ici ensemble cette devise en 1934 dans leur contexte.

Vous allez peut-être me dire que nous vivons aujourd’hui en parfaite liberté de conscience, puisque nous pouvons tout dire sans craindre des restrictions.

Mais

  • Que faisons-nous pour que cela reste ainsi ?
  • Les contraintes et censures de nos jours jouent ailleurs. A quel point sommes-nous libres dans nos prises de parole ? A quel point avons-nous libre accès aux informations pour nous faire une idée claire ? Juste comme exemple : il y a quelques mois mon compte Facebook a été bloqué du jour au lendemain, avec un message que mes propos n’étaient pas corrects et si je voulais ouvrir le compte, je devais m’adresser à un tribunal. Aucune idée de ce qui avait tellement choqué Marc Zuckerberg dans mes propos, mais un des derniers posts que j’avais fait, c’était un article critique sur des évangéliques qui soutenaient Trump. Est-ce cela ? Je ne le saurai jamais. Mais la censure existe bien.

 

 

Thèse 2. « Jésus-Christ a été fait pour nous, de la part de Dieu, sagesse et justice,

sanctification et rédemption. » (1 Corinthiens 1,30)

De même que Jésus-Christ nous communique de la part de Dieu le pardon de tous nos péchés, de même il est également la puissante interpellation de Dieu qui revendique notre vie toute entière ; en lui nous advient une joyeuse libération des entraves impies de ce monde pour un service libre et reconnaissant parmi ses créatures.

Nous rejetons la fausse doctrine selon laquelle il y aurait des domaines de notre vie dans lesquels nous nappartiendrions pas à Jésus-Christ, mais à à dautres seigneurs et dans lesquels nous naurions plus besoin de justification et de sanctification.

 

 

Nous sommes en mouvement, dans le mouvement pour suivre le Christ. Il est la vérité sur notre route, une vérité qui se découvre au fur et à mesure de nos découvertes sur la route.

Ainsi notre foi ne s’arrête pas en sortant du temple, mais c’est là, sur nos routes du quotidien, qu’elle sera mise à l’épreuve. Il n’y a pas de domaine ou notre foi n’aurait pas son mot à dire.

Il y a 90 ans, il fallait prendre la parole face aux persécutions des juifs, face à l’euthanasie des vulnérables, des handicapés, face à l’exclusion de personnes ayant d’autres opinions. Pas évident de garder le cap.

Dangereux même, car assez vite, on pouvait soi-même devenir victime en critiquant le système.

Aujourd’hui, il y a tellement de sujets où la dignité humaine est mise à l’épreuve et où la parole et l’action du Christ peuvent nous inspirer des prises de parole et des actions à notre tour.

pour un service libre et reconnaissant parmi ses créatures, écrivent les auteurs de la déclaration.

Je pense que cela peut même parler dans une société ici aujourdhui marquée par la laïcité, où on serait gêné de proclamer notre foi. Mais souvent, cela se traduit sans revendication de sa foi, par un joyeux service libre parmi les créatures, motivé par la foi,

Exprimé par une action, une attitude, un engagement. Et cest déjà ça !

Et dernière observation :

La deuxième thèse rappelle la découverte majeure de la réformation.

Nous ne sommes pas maîtres de notre salut, alors arrêtons de chercher notre salut dans des promesses de quiconque. Nous avons des choix à faire, certes, mais pas à garantir notre salut.

Au-delà de nos choix, il sera offert en Jésus-Christ.

Le service parmi les créatures reste un service libre, pour le plaisir de venir en aide,

Par envie de vouloir servir,

Ce nest pas un but en soi, encore moins un outil pour nous sauver nous-mêmes.

 

Fin

Je mexcuse si j’étais un peu longue aujourdhui sur lintroduction de ce sujet.

Mais hors de son contexte, la qualité de ce texte ne se révèle pas toute seule et pourtant je pense quil garde son actualité sur certains aspects.

Les deux premiers thèses insistent sur la nécessité et la liberté de prise de conscience avec laide de Jésus-Christ,

et notre envoi dans le monde, hors de nos sanctuaires ou notre sphère privée, pour nous mettre au service du monde.

Nous verrons ce qu’offrent les autres thèses les deux prochaines fois.

Que Dieu nous vienne en aide pour nos discernements et dans le courage d’élever nos voix et nos actions en son nom. Amen

 

 

Christina Weinhold , 30 juin 2024

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