Quand il s’est agit de rédiger quelques lignes pour le billet du pasteur pour le BIP à paraître juste avant la période estivale, nous étions encore sous la pluie quasi incessante, la Seine était anormalement haute et la météo exécrable… Il m’est venu en mémoire ce texte de l’Evangile de Luc et ces quelques pensées que je partage avec vous.
« LUC 12, 54-56
54 Jésus disait aussi à la foule : « Quand vous voyez un nuage se lever à l’ouest, vous dites aussitôt : “Il va pleuvoir”, et c’est ce qui arrive.
55 Et quand vous sentez souffler le vent du sud, vous dites : “Il va faire chaud”, et c’est ce qui arrive.
56 Hypocrites ! Vous êtes capables de comprendre ce que signifient les aspects de la terre et du ciel ; alors, pourquoi ne comprenez-vous pas le sens du temps présent ? »
Mais enfin, de quoi Jésus parle-t-il ?
S’adresse-t-il aux foules pour leur parler de théologie, de météorologie ou tout simplement pour leur parler de la pluie et du beau temps. A la lecture de ces quelques versets on pourrait le penser. Je voudrais juste faire deux remarques;
La première qui me frappe est finalement la « modernité « , par rapport à son époque, dont Jésus fait preuve dans cette scène.
En un temps où le moindre événement météo, le plus petit coup de tonnerre, est interprété comme un signe, comme une manifestation de la volonté divine qu’il convient, bien évidemment, d’interpréter, Jésus fournit des explications simples, de bon sens, naturelles : quand il y a des nuages, c’est qu’il va pleuvoir, quand il y a du soleil, il y a de bonnes chances qu’il fasse chaud, surtout sous ces contrées.
Il y a une rationalité à l’oeuvre dans notre univers, rationalité peut être trop évidente pour ceux qui préféreraient y lire des signes et alimenter par là leurs visions annonciatrices.
De toutes façons nous n’avons pas à nous glorifier de notre capacité à expliquer rationnellement ces signes et Jésus semble pour le moins critique quand il souligne en le répétant plusieurs fois, le plaisir que nous avons a afficher notre performance de prédiction : » vous dites, vous dites »…
Comment ne pas s’interroger sur la place de plus en plus importante que prennent les bulletins météo qui viennent couronner les journaux télévisés quand il ne les précèdent pas comme si c’est cette info là qui était première?
Si Jésus s’en prend à notre autosatisfaction scientiste, c’est qu’elle nous détourne de l’essentiel et de la météorologie je vous invite à passer à la philologie. Ma deuxième remarque concerne la sémantique.
Quand il parle de l’aspect du ciel et de la terre et qu’il apostrophe ses auditeurs, Jésus se place dans le champ de la dramaturgie. Du théâtre tout simplement. Le mot traduit par aspect (du ciel et de la terre) est en grec, « prosopon » qui a le sens de visage mais aussi et fréquemment celui de « masque ».
Si nous savons dit Jésus regarder au delà du masque qu’offrent le ciel et la terre, il n’en va pas de même pour ce temps, pour notre temps. La raison en est simple et me semble résider dans le deuxième terme qui relève du même champ du théâtre: nous sommes des » upokritai « , c’est à dire des acteurs qui portons nous mêmes des masques et tant que nous les porterons nous ne pourrons déchiffrer la comédie humaine dans laquelle nous tenons un rôle et nous accepterons que le temps qui fait continue à nous masquer notre temps, tel qu’il est.
Du reste, il ne s’agit pas simplement de comprendre, de reconnaître dit la traduction oecuménique de la Bible, mais d’une opération que nos bibles ont du mal à désigner puisqu’il s’agit de traduire le verbe grec « dokimazein » et que nous avons trois possibilités :
1- mettre à l’épreuve, éprouver
2- approuver, juger bon
3- reconnaitre capable.
Personnellement, je ne choisirais pas et me contenterais de remarquer que, tout d’abord, ces trois hypothèses de lecture ne s’excluent pas et qu’ensuite, les trois mettent l’accent sur une attitude commune et nécessaire : nous avons à apprécier notre époque, nous avons un ou des jugements à porter sur elle.
Cette opération (la docimasie) s’appliquait dans la démocratie athénienne à tous les magistrats. Si je vois bien, chacun de nous, au nom du Christ, détient non pas un mandat qui l’expose à cette même obligation mais bien une vocation : celle d’être témoin de l’amour de Dieu pour ce monde.
C’est là, le sens de l’action impulsée par le synode national de notre Eglise su l’accueil des exilés.
Jean-Charles TENREIRO
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