Prédication : Marc 10 relation hommes - femmes
Prière d’illumination
Seigneur,
quand nous risquons une parole,
que nous puisions à ta source !
Quand nous risquions une parole,
qu’elle nous relie
à l’unité de ceux qui te prient !
Quand nous risquons une parole,
qu’elle s’élève en louange
comme un souffle d’espérance !
Quand nous risquons une parole,
qu’elle soit parole de vie !
(Suzanne Schell, Traces Vives p 83)
Lectures bibliques
Gen 2, 18 – 24,
18 Le Seigneur Dieu se dit : « Il n’est pas bon que l’être humain soit seul. Je vais lui faire un vis-à-vis qui lui corresponde, capable de le secourir. » 19Avec de la terre, le Seigneur façonna quantité d’animaux sauvages et d’oiseaux, et il les conduisit à l’être humain pour voir comment celui-ci les nommerait. Chacun de ces animaux devait porter le nom que l’être humain lui donnerait. 20Celui-ci donna donc un nom aux animaux domestiques, aux animaux sauvages et aux oiseaux. Mais il ne trouva pas de vis-à-vis qui lui corresponde, capable de le secourir. 21Alors le Seigneur Dieu fit tomber l’homme dans un profond sommeil. Il lui prit un de ses côtés et referma la chair à sa place. 22Avec ce côté, le Seigneur fit une femme et la conduisit à l’homme. 23Celui-ci s’écria :
« Ah ! Cette fois, voici quelqu’un
qui est plus que tout autre du même sang que moi !
On la nommera compagne de l’homme,
car c’est de son compagnon qu’elle fut tirée. »
24C’est pourquoi l’homme quittera père et mère pour s’attacher à sa femme, et ils deviendront tous deux une seule chair.
Marc 10, 1-12
1Jésus part de là et se rend dans le territoire de la Judée, de l’autre côté du Jourdain. De nouveau, une foule de gens s’assemble près de lui et il les enseignait, comme il en avait l’habitude. 2Des pharisiens s’approchèrent de lui pour lui tendre un piège. Ils lui demandaient : « Est-il permis à un mari de renvoyer sa femme ? » 3Jésus leur répondit par cette question : « Quel commandement Moïse vous a-t-il donné ? » 4Ils dirent : « Moïse a permis d’écrire une attestation de rupture et de renvoyer sa femme. » 5Alors Jésus leur dit : « Moïse a écrit ce commandement pour vous parce que vous avez le cœur dur. 6Mais au commencement de la création, Dieu “les créa homme et femme”, dit l’Écriture. 7“C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère pour s’attacher à sa femme, 8et les deux deviendront une seule chair.” Ainsi, ils ne sont plus deux mais une seule chair. 9Donc, que personne ne sépare ce que Dieu a uni. » 10De retour à la maison, les disciples questionnaient de nouveau Jésus à ce propos. 11Il leur répondit : « Celui qui renvoie sa femme et en épouse une autre, commet un adultère envers la première ; 12et si une femme renvoie son mari et épouse un autre homme, elle commet un adultère. »
Prédication
Ce matin, les lectures bibliques proposées nous interpellent sur notre manière de vivre nos relations, notamment, mais pas uniquement, nos relations conjugales.
I Et tout commence par un constat essentiel : Il n’est pas bon que l’être humain soit seul. (Gen 2).
L’humain, en général, a besoin de vivre en relation.
Être sans vie relationnelle peut être vécu comme une situation bien douloureuse et difficile à vivre. Car il n’est pas bon que l’être humain soit seul … un constat aussi vieux que l’humanité.
Peut-être avez-vous à l’oreille d’autres traductions qui disent : « Il n’est pas bon que l’homme soit seul » … il a besoin d’une aide : et boum, par magie, la femme arrive pour aider.
Cette traduction prête à confusion, car elle laisse sous-entendre que Dieu aurait d’abord créé les hommes, les mâles, les mecs, et puis il se rend compte que les pauvres garçons s’ennuient tout seuls et ne s’en sortent pas sous le poids du travail. D’où la nécessité de créer une sorte de sous-espèce, capable de satisfaire les multiples besoins masculins et d’être ainsi une aide dans le sens d’une bonne, d’une aide ménagère.
Ce n’est pas parce que les fantasmes masculins ont tout fait pour interpréter ces textes pendant des siècles dans ce sens, que c’est vraiment écrit ainsi.
Le texte hébreu veut souligner tout autre chose : L’espèce humaine avait besoin d’une altérité, d’une complémentarité. Nous ne sommes pas des clones, mais des êtres humains divers et variés qui peuvent venir en aide les uns aux autres, car dotés de différents talents, opinions, expériences, etc.
Le fait que l’être humain se divise ensuite en deux catégories : mâle et femelle, homme et femme, n’est qu’un exemple, une illustration de cette diversité.
Nulle part, l’altérité entre homme et femme va être définie, genré.
C’est à dire, nulle part dans la bible, on va définir ce qui serait la tache spécifique de la femme ou la mission spécifique de l’homme.
Ce qui compte c’est d’avoir un-vis-à vis, une altérité, quelqu’un qui peut venir en aide à mes propres défauts.
C’était une des raisons, parmi tant d’autres, pour laquelle l’Eglise protestante unie avait accepté de bénir des couples de même sexe. Car l’altérité et la complémentarité, on peut la trouver dans toutes sortes de couples et de relations, sans que ce soit réduit au sexe des partenaires.
II Ce qui compte par contre c’est le vis-à-vis, c’est-à-dire être à la même hauteur, être des partenaires au même niveau.
Le texte insiste sur cet aspect. Il n’est pas question d’une aide subordonnée, mais d’une aide en vis-à-vis. Ce qui demande une certaine égalité dans les rapports de force.
Dans son texte d’origine, il est même question d’être une aide, un vis-à-vis « contre « ’autrui.
Être une aide contre !
Pensez à l’architecture, aux arceaux dans les cathédrales gothiques ou autres, qui s’appuient les uns contre les autres, pour que le bâtiment, même haut et large, puisse, tenir.
Dans un couple, venir en aide contre, cela veut dire par exemple faire miroir, dire ce qu’on pense vraiment, contredire s’il le faut, discuter, disputer, rire pour balayer la mauvaise humeur de l’autre, essuyer les larmes, tenir la main …
Être une aide contre nécessite beaucoup de complicité et de franchise.
Être un vis-à-vis ne peut pas être une aide qui passe derrière, éternellement, pour effacer les manquements et les défauts de l’autre, tout en s’effaçant soi-même. Non, un vis-à-vis est là pour aider à les surmonter ensemble.
III Être un vis-à-vis ne peut se résumer non plus dans le fait d’être un objet, une possession l’un pour l’autre … et c’est surtout cet aspect que Jésus va attaquer dans son discours.
Il y a des relations qui échouent, qui ne fonctionnent pas éternellement, qui étaient bénéfiques un temps mais qui deviennent toxiques, dangereuses, désagréables avec le temps. Alors mieux vaut se séparer, que souffrir dans une relation qui fait souffrir.
Je pense à l’histoire d’Abraham et de son neveu Lot où “le vivre ensemble » devient compliqué avec le temps, violent même, et où Abraham, avec sagesse, propose de se séparer, prendre des chemins et des avenirs différents pour apaiser la situation.
Mais dans cet exemple, Abraham a la sagesse de proposer cette solution et de laisser le choix à son neveu de quelle part il veut prendre, et où il préfère s’installer. Abraham recule et prend ce qu’il reste.
C’est une séparation à l’amiable presque trop belle pour être vraie.
Se séparer, même avec la meilleure volonté au monde, se passe souvent bien autrement.
Avec des revendications, avec des procédures longues et compliquées pour obtenir le meilleur pour soi. Se séparer se fait rarement sans blessures, sans reproches et sans se compliquer la vie réciproquement.
Et aux temps bibliques, existaient des procédures injustes et faciles, notamment pour les hommes : ils pouvaient décider, eux, quand ils ne voulaient plus de la femme et la renvoyer à tout moment, pour ensuite en prendre une autre, ou pas.
Jésus fait allusion au fait que les femmes aussi pouvaient renvoyer leur mari.
Et effectivement, à certains endroits nous avons des traces comme quoi c’était possible dans les deux sens,
Mais dans la grande majorité des cas, c’était une sortie à sens unique. La femme était comme une propriété de l’homme dont on peut faire ce que Monsieur a envie de faire. Et s’il n’en veut plus, il la laisse tomber.
Une lettre suffit, et elle est renvoyée dans sa famille d’origine, si elle existe, ou alors elle se retrouve dans la rue sans aucune sécurité, aucune aide, condamnée à elle-même.
Quand Jésus demande que l’on cesse ce type de comportement. Quand il demande de ne plus se séparer … Il vient au secours avant tout des femmes, car c’est ceci qui permet une certaine sécurité, une mise en garde contre les hommes qui considèrent les femmes comme un objet qu’on peut mettre aux encombrants à tout moment.
Bien sûr que tout cela est dit et écrit dans un certain contexte, dans une certaine culture.
Nous sommes peut-être tentés de dire avec un certain snobisme : ah ces cultures ancestrales d’autres fois. Heureusement que nos civilisations ont évolué !
IV Mais quelle horreur et quelle déception quand nous mettons les journaux de nos jours à côté de la bible.
Est-ce que nous sommes mieux qu’eux à l’époque ? J’en doute !
2024 et nous apprenons avec horreur et stupéfaction, qu’un homme propose sa femme à la prostitution à la chaine. Sans lui demander son avis. La mettre sous drogue.
Et qu’il y a environ 80 hommes qui sont prêts à accepter cette offre. Des hommes qui se défendent aujourd’hui en disant. « Mais elle dormait », « mais je pensais que c’était un jeu pour elle … »
Comment peut-on croire cela une seule seconde ?
Comment ne pas s’interroger, reculer, signaler ce qui se passe.
Certains commençaient à avoir des doutes, d’autres revenaient, certains culpabilisaient, le plus grand nombre non … personne d’entre eux, (personne sur 80 !) n’a signalé ces abus à la police, personne n’est venu en aide à la femme.
Parce que personne n’a vu dans cette femme un vis-à-vis, une personne à droit égal, une aide contre moi … ils avaient tous en commun de la réduire à un objet.
Si on devait traduire et actualiser la parole de Jésus face à notre époque, on devrait dire, par exemple :
Que personne ne réduise la femme à un objet !
Que personne ne pense à sa place, n’agisse à sa place, ne la force à une place attribuée par d’autres.
Que personne ne réduise la femme à un objet !
Que personne ne se cache derrière des excuses fautives et honteuses, mais avoue sa responsabilité.
Que personne ne réduise la femme à un objet !
Mais voit en elle une créature voulue et aimée par Dieu. Envoyée pour agir de façon autonome et consciente dans toutes ses relations. Qu’on lui donne les moyens pour être utile, une aide pour les autres avec ses capacités et ses dons.
Message spécial aux talibans qui ferment aux femmes l’accès à l’enseignement et à la vie professionnelle. L’Afghanistan : Une société qui souffre cruellement de la perte des dons et des talents des femmes.
Que personne ne réduise la femme à un objet !
Entre 100 et 120 féminicides par an en France. Commis par des hommes qui considèrent les femmes comme leur propriété, prêts à les détruire si elles veulent s’en aller. Et non, ils ne sont pas tous des hommes ayant une obligation de quitter le territoire. Trop facile de penser qu’on puisse résoudre le problème en renvoyant les hommes étrangers …
Le problème est vaste, plus profond, au plus profond de notre façon d’être. Justement cela touche la question de la relation homme – femme en général.
Comment voyons-nous l’humanité ?
Comment voyons-nous nos relations ?
Comment voulons-nous vivre ensemble ?
Et voici deux appels, deux interpellations que nous renvoient les textes bibliques.
A – De nous voir comme des vis-à-vis qui ont besoin l’un de l’autre pour nous venir en aide, d’égal à égal.
Et Jésus apporte encore une autre touche :
Tandis que le texte hébreu dit que les garçons, les hommes, les fils quittent leurs familles pour s’attacher aux femmes,
Jésus traduit légèrement autrement en disant : tout être humain quitte sa famille pour s’attacher à autrui et pour créer ensemble autre chose.
Un rappel qui devient promesse :
Bien sûr que nous vivons nos relations avec notre passé, notre vécu, nos traditions et nos héritages, mais nous, grâce à Dieu, sommes capables de créer autre chose ensemble.
Le passé est écrit, le futur non.
Les moeurs, les traditions, nos habitudes sont ce qu’elles sont, mais nous ne sommes pas condamnés à les répéter encore et encore
B – Nous pouvons, grâce à nos relations, créer autre chose.
Même si je reste un peu pessimiste,
Je sais bien que depuis des siècles et des milliers d’années, nous sommes tentés de faire de la relation homme femme une relation de subordination,
Malgré tout je veux croire
qu’avec l’aide de Dieu,
en étudiant la Bible,
nous arrivons à nous considérer comme des vis-à-vis, comme des aides des uns contre les autres, des partenaires, des amoureux, des gens capables de rêver et de dépasser l’existant pour oser vivre autre chose.
Souvenons-nous : Un jour Dieu s’est dit : Il n’est pas bon que je sois seul.
Et il a commencé à créer.
Avec tous les risques.
Il nous a fait à son image.
Il n’est pas bon que l’être humain reste seul !
Alors faisons comme lui et tentons de relever le défi de vivre en relation et de créer un monde où aimer veut dire s’accueillir et non posséder et s’en séparer.
Amen
Christina Weinhold. 06 octobre 2024