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prédication du 08 09 2024 temps de la création
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De quelle "nature" parlons nous ?
Première lecture : Michée 7:1-7 (Bible de référence : TOB)
1Malheur à moi ! Je suis comme les
moissonneurs en été,
comme aux grappillages de la vendange.
Mais pas une grappe à manger,
pas un de ces fruits précoces que j’aimerais tant !
2Le fidèle a disparu du pays,
plus de juste parmi les hommes.
Tous sont à l’affût pour répandre le sang ;
chacun traque son frère au filet.
3Leurs mains s’emploient au mal.
Pour faire du bien, le prince pose ses exigences,
le juge demande une gratification,
le notable parle pour satisfaire sa cupidité…
4Le meilleur d’entre eux est comme une ronce,
le juste pire qu’une haie d’épines.
Au jour annoncé par tes sentinelles, tu es intervenu ;
c’est maintenant leur confusion.
5Ne croyez pas l’un de vos proches, ne vous fiez pas à un ami.
Devant celle qui repose entre tes bras,
attention à ce qui sort de tes lèvres.
6Car le fils traite son père de fou,
la fille se dresse contre sa mère,
la belle-fille, contre sa belle-mère.
Chacun a pour ennemi les gens de sa propre maison.
7Mais moi, je guette le SEIGNEUR,
j’attends Dieu, mon sauveur ; il m’écoutera, mon Dieu.
Deuxième lecture : Romains 8:18-25 (Bible de référence : TOB)
18 J’estime en effet que les souffrances du temps présent sont sans proportion avec la gloire qui doit être révélée en nous. 19Car la création attend avec impatience la révélation des fils de Dieu : 20 livrée au pouvoir du néant – non de son propre gré, mais par l’autorité de celui qui l’a livrée –, elle garde l’espérance, 21car elle aussi sera libérée de l’esclavage de la corruption, pour avoir part à la liberté et à la gloire des enfants de Dieu.
22 Nous le savons en effet : la création tout entière gémit maintenant encore dans les douleurs de l’enfantement. 23 Elle n’est pas la seule : nous aussi, qui possédons les prémices de l’Esprit, nous gémissons intérieurement, attendant l’adoption, la délivrance pour notre corps. 24 Car nous avons été sauvés, mais c’est en espérance. Or, voir ce qu’on espère n’est plus espérer : ce que l’on voit, comment l’espérer encore ? 25 Mais espérer ce que nous ne voyons pas, c’est l’attendre avec persévérance.
PREDICATION
Aujourd’hui, quand on veut faire une bonne publicité pour quoique ce soit,
il est conseillé d’introduire la notion de « nature ».
« Eaux de sources naturelles » cela se vend mieux que « Eau de robinet ».
Si c’est de la bière, du whisky ou du vin … on nous les montre toujours devant des paysages magnifiques, au lieu de nous faire voir les distilleries bien techniques et industrielles d’où ils sortent.
Même les voitures, pollueurs climatiques n°1, traversent dans nos publicités plutôt des montagnes et des paysages naturels, au lieu qu’on nous les montre, à la queue leu leu, le matin dans les embouteillages sur le périphérique,
encore moins quand leurs conducteurs, à bout de nerfs, cherchent désespérément un parking.
La « nature » est devenue pour nous Européens du 21ème siècle, l’incarnation de tous nos espoirs et de toutes nos aspirations, le refuge où le monde est encore en ordre, une parenthèse dans notre monde totalement industrialisé.
Un paradoxe, car en même temps, ce sont toutes les inventions modernes, tout ce qui est artificiel, inventé et fabriqué par l’être humain, qui nous facilite tellement la vie :
Nous déplacer d’un endroit A à un endroit B en un minimum de temps, par exemple.
En deux heures et demi en train pour Bordeaux,
en deux heures en voiture d’ici à une plage de Normandie,
traverser tout Paris en une heure en métro,
traverser l’Atlantique en 8 heures en avion ….
Avant, cela aurait pris des jours, des semaines, des mois.
Ou alors porter des vêtements en fibres synthétiques, plus légers, plus résistants, plus faciles à produire en grande quantité.
Ou alors le fait d’avoir quantité et diversité de produits alimentaires à notre disposition, dans des supermarchés à chaque coin de rue, grâce à une chaîne alimentaire bien industrialisée, au lieu que chacun de nous cultive ses carottes et pommes de terre et élève quelques poules sur son balcon. On serait mort assez vite, si on devait vraiment vivre réduits à nous-mêmes naturellement en pleine nature.
Et pourtant ou peut-être par ce que la vie naturelle, la nature sauvage, est tellement loin de notre expérience et de notre réalité quotidienne, qu’elle devient un mythe, un sujet de projection, une illusion : Celle d’un paradis à retrouver, le lieu où tout va bien.
Les textes bibliques choisis pour cette édition de « Temps pour la création » nous mettent en garde devant une telle idéalisation.
La nature, la création, n’est ni pure, ni neutre ; elle est loin d’être parfaite, partage Paul avec les Romains. Elle souffre. Elle attend sa délivrance, comme un malade attend sa guérison, ou l’otage espère sa libération. Et Paul écrit cela longtemps avant l’ère industrielle, longtemps avant qu’on constate que nous avons commis le crime et l’erreur ultime de détruire de nos propres mains la terre, détruire nos ressources de vie.
Et pourtant Paul est conscient que, naturellement, rien ne va comme prévu,
Que la nature qui nous entoure n’est pas celle que Dieu avait voulu pour nous.
Le projet de Dieu pour nous était une création où chaque vivant trouve sa place, et où personne ne souffre.
Le constat de Paul et d’autres auteurs bibliques est de dire que la nature elle-même, comme la nature humaine, est habitée par le péché.
La nature n’est pas pure.
La nature en porte les conséquences désagréables, comme l’être humain qui souffre de ses propres défauts.
Dans la même lettre aux Romains, un peu auparavant, Paul écrit que le péché était entré dans le monde et que le monde a besoin de Dieu en œuvre à travers Jésus Christ pour le faire sortir de là, pour surmonter cet échec, cette dérive, d’un monde en plein désordre et en plein manque d’équité et de justice.
Paul, bon connaisseur des textes bibliques du premier testament, se réfère aux textes, peut-être comme celui du prophète Michée et, dans cette optique prophétique où on ne peut jamais différencier société et nature, ’action humaine et ’environnement qui l’entoure, tout est lié à tout.
Le prince et le juge qui maltraitent et ignorent la loi et la justice,
sont dans cette optique au même niveau que le lion qui fait mal au petit zèbre, ou le chat qui joue avec la souris. (Cf Esaie 9)
La guerre qui empêche les habitants de vivre de leur plantation est aussi condamnable que la grêle et la tempête qui empêchent une bonne récolte.
Faire du mal à autrui est aussi regrettable qu’une maladie qui le freine dans son élan, etc.
Ce sont toujours les différentes facettes d’un même constat : Il y a quelque chose qui ne va pas ! Ou pour le dire en termes théologiques, c ’est de l’ordre du péché, c’est signe que quelque chose de malfaisant s’est introduit dans le projet de Dieu et du coup rien ne se passe comme prévu.
Tout le monde attend et espère alors une délivrance,
Le petit zèbre comme l’enfant victime de la guerre ou de la pauvreté ..
Espérer devient ici un acte solidaire. Paul le dit ainsi : 23 Elle (la création) n’est pas la seule : nous aussi, qui possédons les prémices de l’Esprit, nous gémissons intérieurement, attendant l’adoption, la délivrance pour notre corps.
Mais il y à une différence :
C’est l’être humain qui a déjà eu la révélation d’un sauvetage qui s’est mis en route, à travers l’histoire, à travers le temps, qui a culminé et s’est affermi encore une fois en Jésus Christ.
L’être humain espère donc sur une base concrète, sur un vécu plein de promesses pour l’avenir.
C’est à l’être humain aussi qu’on peut adresser un rappel à l’ordre, un rappel à sa responsabilité au sein de la création.
L’être humain qui est les deux à la fois : victime lui aussi d’une création déraillée et dysfonctionnelle et en même temps acteur lucide pour faire ce qui est en son pouvoir pour rétablir autant que possible la paix, l’ordre, la justice, l’équité … une place pour vivre pour chacun et chacune.
Les co-auteurs du matériel pour le « Temps de la création » de cette année, inspirés par la lecture de Romains 8, ont donné à cela le titre: « espérer et agir avec la création ».
Espérer …
Car avant tout nous confessons que la création est un cadeau et que la délivrance de la création le sera aussi.
Cette délivrance est hors de notre portée. Elle est à attendre et à espérer. Dieu seul, créateur et sauveur, peut nous libérer.
Espérer est un acte de confiance,
Espérer n’est pas synonyme de naïveté, ni d’inaction,
Mais c’est une attitude, une source d’énergie, une raison d’être, qui précède toutes nos actions.
Espérer est une attitude d’humilité humaine. Nous savons que nous dépendons d’une force et d’une sagesse qui nous dépasse.
Et ce n’est qu’ensuite que nous entendons l’appel à ’agir, à faire notre part dans la limite de nos compétences,
mais en pleine possession des dons et des charismes qui nous sont donnés, de ce que nous pouvons faire pour aider un monde en souffrance.
Espérer avec persévérance conclut Paul … et nous voyons à nombreux autres endroits de ses épîtres, que cette persévérance se transforme et se traduit en actions concrètes, souvent très terre à terre, dans l’environnement dans lequel nous sommes : au sein de nos nos familles, dans nos communautés, dans le contact avec nos voisins, etc.
Les croyants humbles mais persévérants, d’après Paul, s’investissent là où ils sont à la hauteur de leur espérance pour un avenir meilleur.
Ce sont des gens qui transforment de l’intérieur la société. Qui se montrent indulgents où d’autres sont sévères. Qui se montrent bienveillants auprès des personnes dont ils ont la responsabilité. Qui se montrent généreux autour d’eux. etc. Ils transforment ainsi la nature des choses, ils combattent ainsi les dérives comme les abus de pouvoir ou l’orgueil humain ou alors la course pour avoir plus encore et mieux que l’autre.
Espérer et agir avec la création est une question profondément sociétale.
Une justice climatique va main dans la main avec une justice économique ou d’égalité de droits, se traduit par une équité à tous les niveaux de la vie.
La nature n’est pas idéalisée, ni extériorisée, mais incluse dans nos actions comme un élément parmi tant d’autres.
La nature commence au sein de mon foyer, dans la rue en pleine ville, dans mon travail de tous les jours …
Comme illustré sur le vitrail derrière moi : La promesse sur la plaine de Bethléem :
Luc 2, 14 Gloire à Dieu dans les lieux très hauts,
Et paix sur la terre parmi les hommes qu’il agrée !
vaut aussi pour la ville, là où nous vivons et travaillons. La paix pour nous n’est pas à chercher à l’extérieur, mais parmi nous. La vision de l’Apocalypse, c’est la nouvelle Jérusalem, c’est là où la ville moderne, le savoir-faire de l’être humain, ne combat pas la création mais vont main dans la main. C’est une vision. C’est une promesse.
Espérer et agir dans ce sens avec la création est tout un programme dont nous ne sommes capables que si nous le menons avec confiance en Dieu qui vient en notre aide,
Et en collaboration avec un maximum de partenaires.
C’est pourquoi je me réjouis que les thèmes de la sauvegarde de la création soient portés sur un plan œcuménique, au-delà de nos divergences confessionnelles et institutionnelles.
Il n’y a qu’un seul créateur et une seule terre, alors nous avons intérêt à nous arranger joyeusement et pleins d’espérance, entre nous dans la maison commune.
Amen
Christina WEINHOLD, 08 09 2024