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prédication de Jean Jacques DIJOUX: Jean 6 le pain de la vie, août 2024
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Lectures Bibliques
PROVERBE 9, 1-6
La sagesse a construit sa maison, elle a taillé ses sept colonnes.
2 Elle a abattu son bétail, mélangé son vin et dressé sa table.
3 Elle a envoyé ses servantes, elle crie sur le sommet des hauteurs de la ville :
4 « Qui manque d’expérience ? Qu’il entre ici! » Elle dit à ceux qui sont dépourvus de bon sens :
5 « Venez manger de mon pain et boire du vin que j’ai mélangé !
6 Abandonnez la naïveté et vous vivrez, avancez sur la voie de l’intelligence !
ÉPHÈSIENS 5, 15-20
15 Faites donc bien attention à la façon dont vous vous conduisez: ne vous comportez pas comme des fous, mais comme des sages: 16 rachetez le temps, car les jours sont mauvais[a]. 17 C’est pourquoi ne soyez pas stupides, mais comprenez quelle est la volonté du Seigneur.
18 Ne vous enivrez pas de vin: cela mène à la débauche. Soyez au contraire remplis de l’Esprit: 19 dites-vous des psaumes, des hymnes et des cantiques spirituels; chantez et célébrez de tout votre cœur les louanges du Seigneur; 20 remerciez constamment Dieu le Père pour tout, au nom de notre Seigneur Jésus-Christ
JEAN 6, 51-58
48 Moi, je suis le pain de la vie.
49 Au désert, vos pères ont mangé la manne, et ils sont morts ;
50 mais le pain qui descend du ciel est tel que celui qui en mange ne mourra pas.
Je suis le pain vivant descendu du ciel. Si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement, et le pain que je donnerai, c’est mon corps, [que je donnerai] pour la vie du monde.»
52 Là-dessus, les Juifs se mirent à discuter vivement entre eux, disant: «Comment peut-il nous donner son corps à manger?» 53 Jésus leur dit: «En vérité, en vérité, je vous le dis, si vous ne mangez pas le corps du Fils de l’homme et si vous ne buvez pas son sang, vous n’avez pas la vie en vous-mêmes. 54 Celui qui mange mon corps et qui boit mon sang a la vie éternelle, et moi, je le ressusciterai le dernier jour. 55 En effet, mon corps est vraiment une nourriture et mon sang est vraiment une boisson. 56 Celui qui mange mon corps et qui boit mon sang demeure en moi, et moi je demeure en lui. 57 Tout comme le Père qui est vivant m’a envoyé et que je vis grâce au Père, ainsi celui qui me mange vivra grâce à moi. 58 Voilà comment est le pain descendu du ciel. Il n’est pas comme [la manne que vos] ancêtres ont mangée; eux sont morts, mais celui qui mange de ce pain vivra éternellement.»
PRÉDICATION
Nous sommes en période de fin de congés. Nous avons partagé avec des amis, la famille des repas. Partagé des repas est un signe de compagnonnage. Manger ensemble, ce n’est pas seulement se nourrir, c’est aussi passer du temps avec les autres, s’intéresser à eux, nouer ou approfondir des liens.
Les repas dans la Bible sont nombreux et multiples. Certains soulignent une alliance comme en Exode 24, 11 alors que Dieu est apparu après que Moïse a eu consacré la nouvelle alliance selon les rites les privilégiés qui le virent mangèrent et burent ou marquent un changement dans l’histoire. D’autres ont une portée symbolique forte, la Cène bien évidemment. Jésus a partagé des repas avec tout le monde, y compris des personnes de mauvaise réputation. Il ne fait pas de distinction. Il veut être proche de ceux qui ont besoin de lui. C’est une manière de montrer sa solidarité avec ceux qui ne sont plus reconnus.
Attention, la nourriture dont nous parle Jésus n’est pas matérielle.
S’agit-il d’une interprétation de la Cène ? Je ne le crois pas. Certes, cette première lecture nous vient tout de suite à l’esprit. Toutefois, ces quelques versets s’inscrivent dans un contexte plus général et en dehors de tout contexte pascal. Dans le même chapitre 6, Jésus nourrit cinq mille hommes sur les bords de la mer de Galilée, il rejoint les disciples en marchant sur les eaux, il réinterroge l’engouement qu’il suscite parfois. Surtout, il révèle qu’il est le pain de la vie notamment au début du passage d’aujourd’hui.
Notre texte est la conclusion d’un long enseignement sur le pain de la vie. Jésus se positionne comme Celui qui nourrit notre être tout entier : corps, esprit et âme. Comme le pain qui nourrit et entretient le corps.
Quels sont les enjeux de ce texte ?
Après que Jésus a énoncé : « Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour la vie du monde. « Les juifs se querellent et s’offusquent : « Comment celui-là peut-il nous donner sa chair à manger ? » Comment est-ce possible ? Au fond, comme nous, bien souvent, nous nous demandons « comment ça marche ? » alors que ce sur quoi nous devrions nous interroger est « comment ou quoi faire pour que ça fonctionne ? ». Surtout, nous devrions nous demander non pas comme les juifs qui se querellent « comment » mais plutôt « qu’est-ce que cela signifie ? ».
Notons d’abord que Jésus dit « Je suis ». Le lien avec le nom donné à Dieu en Ex 3, 14 est manifeste. Cette révélation de Jésus a été vécue comme une usurpation et est jugée condamnable par ceux qui s’opposent à lui. Ce « je » que Dieu utilise comme son nom propre : » Je suis qui je serai », « Je suis qui je suis », « Je suis celui qui est »… place Dieu et, dans notre texte Jésus, comme un interlocuteur. Ils se mettent à hauteur d’homme, comme dans « Où es-tu ? » au début de la Genèse. C’est aussi un « je suis » de positionnement : Jésus est qui il est, le fils de Dieu, et nous, ainsi, nous savons mieux nous situer et mieux accaparer la situation.
Ensuite, il énonce : « Le pain que je donnerai, c’est ma chair ». Nous entrons en dialogue avec le prologue (1,14) : « Le verbe s’est fait chair ». Le verbe qui s’est fait chair, c’est fait pain. L’incarnation divine est soulignée et amplifiée car non seulement elle est vie, mais de plus elle nourrit. Imaginez ? Jésus est et nous donne de quoi nous nourrir complètement, totalement, nos corps, nos esprits et nos âmes. Et Jésus d’agiter qu’il s’agit de « donner la vie ». Ici, est le cœur du texte : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi, je demeure en lui. ». Nous sommes dans une relation réciproque dite ainsi pour la première dans l’évangile de Jean : demeurer l’un dans l’autre. Jésus a reçu la vie du Père et il devient source de vie pour celui qui se lie à lui.
Ce texte est-il une interprétation de la Cène ? Pas seulement. Il serait possible d’imaginer que simplement l’action de mâcher comme dit le texte grec lors de la participation à la Cène donne automatiquement le salut, non ? Ce n’est pas le cas. Si le don de la vie passe par la Cène, c’est parce que le lien entre le croyant et Jésus résiste à tout, même à la mort. La réponse de Jésus est que cela donne la vie.
Et Jésus d’ajouter, que la foi apporte le salut, le lien avec Jésus emporte la vie en plénitude, que cette plénitude est celle qu’apporte la foi, que vous soyez juif ou non.
Dans ce texte, Dieu ne s’intéresse pas aux questions techniques. Non, ce qui l’intéresse, c’est notre vie. Dieu a des choses à dire sur ce qui nous fait vivre. Et il l’a fait d’une façon radicale. Il est devenu ce qui nous fait vivre.
Ce passage de l’évangile de Jean nous dit cette nouvelle radicalement nouvelle : Dieu est venu nous nourrir, pour de vrai. Pour une vie véritable.
Nous voulions un Dieu qui fait quelque chose, depuis les cieux, et voilà qu’il vient parmi nous. Nous sommes prêts au sacrifice pour obtenir une miette de sa grâce, et c’est lui qui arrive pour nous l’offrir toute entière. Le pain de vie, ce n’est pas quelque chose que nous allons chercher dans les cieux : c’est quelqu’un… qui en descend. Ce n’est pas un objet qui comble notre faim, c’est une personne qui agit en nous.
Le pain de vie dont parle Jésus, c’est lui-même. C’est un pain qui se mêle à notre vie, qui lui donne la vie véritable, en nous, au plus profond de notre être intime, apportant la vie même en nous, corps, cœur et âme confondus, à notre désir d’aller vers les autres, vers le monde, à agir, à changer, à bouleverser ce monde ! C’est toute notre vie qui est nourrie par ce pain-là. Chaque minute, même la plus anodine. Même celle que nous croyons avoir perdue.
Nous ne perdons plus jamais notre temps… parce que notre vie est nourrie dans ses moindres détails par la présence de quelqu’un qui se mêle à notre humanité, pour lui donner son souffle, son désir, son énergie. Un pain vivant qui donne la vie.
Dieu, devenu pain vivant descendu du ciel, transforme notre faim… Nous voulions un miracle : il nous donne la vie. Nous voulions une sécurité : il nous donne la force d’agir nous-mêmes. Nous voulions un Dieu assis tranquillement dans les cieux : il nous donne de vivre vraiment dans ce monde. Nous voulions acheter notre propre pain et ne rien devoir à personne : il nous donne de le recevoir, sans jamais réclamer de retour.
C’est sans doute ça le plus extraordinaire : en se donnant comme du pain, Jésus accepte de disparaître en nous, de telle sorte que ce qu’il nous donne ne peut lui être rendu. La vie qu’il a donnée, c’est nous qui en vivons. Il serait illusoire de croire que nous pourrions la lui rendre : c’est le boulot de Dieu, ça ! Non, nous n’avons rien à rendre. Nous avons à vivre de la vie donnée. En faisant confiance, simplement, à ce qui se passe jusqu’au plus profond de nous, là où nous n’avons même pas accès…
Bien sûr, c’est à la mort du Christ que se réfère ce discours de Jean. Il s’agit bien de dire que le Christ est mort pour nous, qu’il a disparu pour que nous, nous puissions vivre. En le disant comme ça, c’est tellement facile de céder à la culpabilité. De reposer des questions techniques à Dieu « mais comment c’est possible ?». La mort du Christ est si difficile à comprendre.
Ce que Jean nous donne à comprendre, c’est qu’il s’agit d’un cadeau, du cadeau de la vie. Un véritable don qui ouvre à la vie. Pas une dette. Un don. Là où une dette nous ligote au passé, un don nous ouvre l’avenir. À la vie. Rien de moins que la vie. En Jésus Christ, au prix de sa vie, notre Dieu nous nourrit de lui-même.
Jean reprendra la même idée, avec d’autres mots, un peu plus loin dans son évangile, au moment où Jésus entre à Jérusalem où il va mourir sur la croix (Jn 12,24). Vous connaissez ce passage bien sûr : « en vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit ». Pour que le grain de blé puisse germer, il faut qu’il tombe à terre, puis que les racines se développent en se nourrissant du grain qui disparaît, puis que ces racines portent la plante, et que la plante à son tour porte du fruit.
Oui, quelque chose meurt pour que la vie surgisse. Oui, quand le Christ se donne à nous comme du pain, le pain disparaît, comme le grain de blé. Mais il ne disparaît pas inutilement. Il se passe quelque chose qui nous échappe véritablement puisque nous n’y sommes pour rien. Le don de Dieu descend sur terre, le grain tombe en terre, se développe, les racines apparaissent, le fruit mûrit. Nous sommes la terre où tombe le grain.
Et quand nous sommes le corps qui mange le pain ? Qu’est-ce qui peut naître quand nous mangeons de ce pain, quand nous prenons conscience de cette vie qui se mêle à la nôtre et la renouvelle ? Qu’est-ce qui peut naître ?
L’inattendu. L’inouï. La vie même, la vie qui s’installe et qui se diffuse en nous et ouvre tous les possibles… Voilà comment le Christ nous nourrit. En disparaissant, en acceptant de disparaître pour venir nous rejoindre au plus intime de notre vie et la renouveler chaque jour, à chaque instant. Sans que nous ne soyons en rien à l’initiative de ce miracle. Il est notre nourriture, venue d’ailleurs, envoyée par Dieu pour la vie véritable.
Alors, les questions qui peuvent nous rester ne sont plus des questions techniques. La question n’est plus « mais comment ça marche » ou « qu’est-ce qu’il faut faire ». La question devient : que faisons-nous de cette vie offerte ? Allons-nous vivre, véritablement, de ce qui nous est donné ?
Jésus, devenu notre nourriture, nous transforme de l’intérieur, tranquillement, pour la vie. C’est la vie éternelle que nous recevons du Christ : non pas seulement une promesse de résurrection au dernier jour mais la vie pleine et entière, une vie qui ne s’achève pas avec la mort. Voilà qu’il vit en nous. Voilà qu’il nous rend libres d’user de cette vie pour être à notre tour source de vie. C’est à partir de lui que nous nous tournons vers les autres. Que nous pouvons espérer. Aimer. Soutenir notre prochain. Protéger ceux qui souffrent. Voilà que nous nous surprenons à être une force de vie au cœur du monde.
Cette Église, cette communauté qui se réunit aujourd’hui dans la joie, dans la fête, c’est bien là que vient s’inscrire, dans le culte, la promesse de vie donnée par Dieu. En partageant la Parole que nous mâchonnons, que nous mastiquons ensemble, que nous accueillons comme un pain de vie. Mais aussi bien sûr, et avec l’Eglise universelle, autour de la table, autour du pain et du vin. Dans la Cène, Jésus est à la fois notre hôte et notre nourriture : il nous accueille, et se donne à nous.
Alors nous pouvons cesser de poser cette question technique qui nous revient toujours, « Qu’est-ce que tu fais pour nous ? Comment ça marche ? » La réponse qui nous est donnée, c’est de cesser de nous demander ce que Dieu fait pour nous. C’est simplement de croire. Comme si Dieu nous disait : « croyez… croyez simplement en moi : c’est ce que je suis pour vous qui compte, pas ce que je fais. »
Oui vraiment, Dieu a des choses à dire sur ce qui nous fait vivre. Mais surtout : il est ce qui nous fait vivre.
Amen
Jean Jacques DIJOUX , 18 août 2024.